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aux sacremens, au baptême notamment et à l’eucharistie, une vertu secrète et miraculeuse. Ils reconnurent dans les cérémonies extérieures, dans les symboles, dans les images même, un sens profond et un mérite mystérieux. Ils se montrèrent indulgens pour le purgatoire, pour les miracles ; pour l’invocation des saints, pour les hommages rendus à la vierge Marie ; enfin ils firent dériver toute l’autorité, toute la sainteté de l’église, non de la raison individuelle ou de la puissance publique, mais de la succession apostolique, succession non interrompue, selon eux, et en vertu de laquelle les évêques étaient légitimement les héritiers des apôtres et les anges de l’église. Une fois ce grand pas franchi, les nouveaux docteurs ne pouvaient manquer d’en venir à maudire au moins dans ses excès la réforme du XVIe siècle, et à revendiquer, au lieu de le repousser, le nom de catholique ; C’est ce qu’ils firent en effet. A leurs yeux, l’église romaine, l’église grecque, l’église anglicane, devinrent les rameaux divers d’un même tronc, et formèrent par leur réunion l’élise catholique universelle. Le tort de l’église romaine, son unique tort, fut d’avoir usurpé une suprématie qui ne lui appartenait pas. C’était une sœur trop ambitieuse, une sœur égarée, si l’on veut, mais qu’il fallait éclairer au lieu de l’injurier. En un mot, ce qui distinguait une église véritable d’une fausse église, ce n’était point tel ou tel dogme, telle ou telle pratique ; c’était l’existence d’un corps d’évêques dont l’ordination pouvait, par une succession non interrompue, remonter aux apôtres. Entre l’église romaine et l’église anglicane ; il y avait malentendu et querelle de famille ; entre l’église anglicane et les autres églises protestantes, il y avait toute la différence qui sépare le vrai du faux, et la réalité de l’apparence.

On le voit, l’église anglo-catholique ne marchait dans la voie ni de la basse ni de la haute église : elle se séparait de la première en niant son principe même, celui du jugement individuel ; elle se séparait de la seconde en lui reprochant de vendre son indépendance à l’état et en la taxant d’érastianisme[1]. Je n’ai certes pas la prétention de suivre dans ses développemens et dans ses inconséquences ce nouveau catholicisme. Si je devais le caractériser en peu de mots, je dirais qu’à mon sens il fait de l’église catholique un état fédératif, de même que

  1. Les érastiens, ainsi nommés du nom d’Erastus, théologien allemand du XVIe siècle, sont une secte religieuse qui joua un assez grand rôle en Angleterre vers 1647. Cette secte soutenait que l’église n’avait aucun pouvoir qui lui fût propre, et que, pour sa forme comme pour sa discipline, elle était purement et simplement créaature et sujette du magistrat civil.