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se trouvent constitutionnellement déposés entre les mains d’un premier ministre, désigné, si ce n’est choisi, par la majorité parlementaire ? La suprématie religieuse de la reine était quelque chose de sérieux quand la reine avait une volonté propre et qu’elle gouvernait véritablement. Aujourd’hui, c’est le premier ministre qui gouverne pour elle, et ce premier ministre peut être wesléien, unitairien ou même catholique. Comment songer à lui confier le soin d’interpréter le dogme, de régler le culte, et de commander aux évêques ? Reste le parlement, qui, par l’histoire aussi bien que par la loi, est, en matière religieuse comme en matière civile et politique, le vrai souverain du pays ; mais se figure-t-on le parlement, ce parlement où siégent des membres de toutes les communions chrétiennes, occupé pendant plusieurs mois à réviser les trente-neuf articles et les deux mille prières de la liturgie ? Se figure-t-on un débat sur l’eucharistie, des amendemens sur l’invocation des saints et sur les miracles, un vote par division sur le surplis, sur les cierges et sur l’offrande ? Se figure-t-on toute l’ardeur, toute la tactique parlementaire, appliquées à de telles questions ? En vérité, cela est absurde, et il suffit d’une minute de réflexion pour se convaincre qu’en fait sinon en droit, l’intervention du parlement est aujourd’hui tout aussi impossible que celle de la reine ou de la convocation.

Que fallait-il faire alors, et comment terminer pacifiquement une querelle aussi vivement engagée ? C’est ce que se demandèrent les hommes raisonnables parmi les évêques. C’est ce que se demanda aussi le gouvernement. Voici, en définitive, comment on en sortit. En même temps que l’évêque de Londres et l’évêque d’Exeter défendaient envers et contre tous les nouvelles pratiques, d’autres évêques, l’évêque de Norwich, celui de Worcester, les blâmaient formellement, et attribuaient au puséisme la grande croisade du surplis et de l’offrande. A la demande du duc de Wellington, l’archevêque de Cantorbery, primat anglican, profita de cette circonstance pour adresser à son clergé une lettre un peu vague, mais sensée, et dans laquelle il prêchait la paix et l’union. Selon lui, « personne n’avait tort, puisque les uns tenaient à la lettre de la rubrique, les autres à son esprit et aux coutumes de l’église. Dans la rubrique d’ailleurs, tout n’était pas également clair, et l’on pouvait de très bonne foi adopter des interprétations diverses. Une réunion synodiale aurait seule autorité pour lever tous les doutes ; mais, cette réunion n’étant pas possible, il convenait de consulter avant tout l’usage établi, et de se conformer au vœu les populations. » Après avoir reçu cette lettre, l’évêque