Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 12.djvu/404

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en même temps enlevé à l’opposition ses meilleures armes et ses plus puissans moyens d’action sur les classes industrielles. C’était un succès considérable et qui semblait rendre à sir Robert Peel tout le terrain qu’il avait perdu ; néanmoins ce succès, tout en déconcertant les ennemis patens ou secrets du premier ministre, les irritait davantage et lui préparait, dans les questions qui restaient à résoudre, de nouvelles difficultés. Il fut aisé de s’en apercevoir à l’âpreté avec laquelle sir Robert Peel fut personnellement pris à partie dès que l’occasion s’en présenta. Ainsi, vers la fin de la dernière session, un membre radical, M. T. Duncombe, s’était plaint avec grande raison que les lettres de quelques réfugiés italiens, de M. Mazzini notamment, et ses propres lettres, eussent été ouvertes à la poste. Sans avouer comme sans nier le fait, le ministre de l’intérieur, sir James Graham, après de très vifs débats, avait consenti à ce que les droits et la conduite du gouvernement dans cette circonstance fussent soumis à un comité secret de neuf personnes, dont aucune n’occuperait une fonction publique, et dont cinq seraient membres de l’opposition. Or, du rapport de cette commission, il résultait 1° qu’un statut de 1711 autorisait le ministre de l’intérieur, sous sa responsabilité, à délivrer des mandats pour l’ouverture de telles lettres qu’il jugerait utile ; 2° que, ce droit ayant été contesté, des comités formés en 1735 et 1742 l’avaient formellement consacré ; 3° que dans le courant du dernier siècle, en quarante-quatre ans, il y avait eu 372 mandats de ce genre, et 44 en trois ans, de 1841 à 1844 ; 4° qu’en ouvrant certaines lettres de M. Mazzini, le gouvernement avait usé de son droit, et qu’il n’y avait, soit quant à la légalité, soit quant à la convenance, aucun reproche à lui faire. D’après une telle déclaration, bonne ou mauvaise, l’affaire paraissait terminée ; mais, si l’usage dont il s’agissait n’avait rien d’illégal, il était fort odieux, et M. Duncombe, peu satisfait du rapport du comité, ne manqua pas de reprendre le débat en demandant une enquête publique. Le comité d’ailleurs ne s’était pas expliqué sur le fait qui lui était personnel, sur l’ouverture de ses propres lettres, à lui, membre du parlement. Or, il y avait là une question de privilège que la chambre ne pouvait passer sous silence. « Quant à moi, s’écria M. Duncombe, j’affirme que mes lettres ont été ouvertes ; mais le ministre qui a eu la bassesse de le faire n’a pas le courage d’en convenir. » Et comme le telles paroles étaient accueillies par de longs murmures : « Il est bien entendu, ajouta M. Duncombe, que j’applique ces mots à sir James Graham dans sa capacité ministérielle. »