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plus légitime ? Pensiez-vous donc, quand vous appeliez à votre aide le démon de l’intolérance, que vous le congédieriez à votre gré ? Pensiez-vous, quand vous alliez de réunion en réunion, flattant des passions et des préjugés absurdes, que le jour ne viendrait pas où vous devriez vous-même compter avec ces préjugés et ces passions ? » M. Macaulay et ses amis n’en étaient pas moins décidés à voter pour le bill. C’était assez du spectacle de l’inconséquence tory. « Quant à moi, disait en finissant M. Macaulay, je sais quels outrages vont fondre sur moi, je sais aussi quel risque court, à dater d’aujourd’hui, mon siége au parlement ; mais ce siége, Je ne veux pas le conserver au prix d’un contrat ignominieux, et je ne puis le perdre, si je le perds, pour une plus noble cause. »

On le voit : dans ce discours fort étudié, fort éloquent, l’animosité politique tenait une grande place. C’est à peine, au contraire, si elle apparut dans le discours plein de noblesse et de raison que lord John Russell prononça peu d’instans avant le vote. M. Sheil s’était plaint avec une amertume bien légitime qu’un ministre anglais ne pût jamais, sans se présenter une mesure favorable à l’Irlande. Il avait aussi remarqué que dans cette occasion la résistance venait plutôt des dissidens que de l’église anglicane, plutôt de l’église libre écossaise que de l’église presbytérienne établie. « Il faut le dire, s’était-il écrié, c’est la bile calviniste qui déborde et qui couvre la table. » Sans défendre la conduite des dissidens, lord John Russell essaya de l’excuser, de l’expliquer du moins, en lui donnant pour cause non la haine du catholicisme, mais l’amour du principe volontaire, Il approuva d’ailleurs pleinement le bill, et s’abstint de toute récrimination.

Une phrase malheureuse prononcée par sir James Graham en 1843 rendait sa position dans ce débat particulièrement difficile. « L’Angleterre est à bout de concessions (concession is at an end), » avait-il dit alors en présence des mouvemens tumultueux de l’Irlande, et ces mots sans cesse répétés, sans cesse commentés, alimentaient depuis deux ans la polémique. Sir James Graham n’hésita pas à les retirer, les attribuant à la chaleur du débat, et déclarant qu’il les regrettait sincèrement. Il se montra d’ailleurs très libéral, très conciliant, et termina son discours par cette déclaration vivement applaudie, « que le temps était venu de traiter en concitoyens et en frères les catholiques irlandais. » Mais c’est sir Robert Peel surtout qu’on attendait impatiemment. Pendant ce grand débat, ni les sarcasmes cruels de M. d’Israëli, ni les formidables attaques de M. Macaulay, ni les dévotes