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les chemins de fer l’emportèrent, et la ligue fut vaincue à 627 voix contre 497. Quoi qu’il en soit, avec le talent et l’activité de ses membres, ses grandes ressources pécuniaires, la faveur des classes moyennes et les voix dont elle dispose dans la chambre, la ligue est une puissance que le ministère tory peut dédaigner, mais avec laquelle un ministère libéral aura nécessairement à traiter.

Voilà pour l’Angleterre. Quant à l’Écosse, elle est à peu de chose près dans la même situation. En 1843, 470 ministres s’étaient retirés de l’église presbytérienne établie pour former une église libre. Cette église compte maintenant 620 ministres et 800 congrégations, qui embrassent plus d’un tiers des souscriptions recueillies pour l’établissement d’églises et d’écoles montaient en juillet dernier à 726,000 liv, dont 320,000 avaient été dépensées. Toutefois l’église libre continue à rencontrer une vive résistance de la part de certains grands propriétaires fonciers, qui refusent de lui vendre quelques parcelles de terrain où elle puisse s’établir convenablement. Elle se trouve obligée, en plusieurs lieux, de rassembler les fidèles en plein air, sous la tente, et de les exposer ainsi à toute l’inclémence des saisons. L’église libre se plaint amèrement d’une telle intolérance, et elle a raison ; mais, par une triste contradiction, en même temps qu’elle s’en plaint, elle-même persiste dans ses colères contre le catholicisme et déclare de nouveau, en revenant sur le bill de Maynooth, « que le gouvernement n’a pas le droit d’encourager la vérité d’une main et l’erreur de l’autre. »N’est-ce pas précisément en vertu d’un principe analogue que les grands propriétaires qu’elle accuse lui refusent le moyen de bâtir ses temples et de propager ainsi ses doctrines ? Les propriétaires dont il s’agit croient qu’elle est dans l’erreur, et suivent à son égard la politique qu’elle conseille au gouvernement à l’égard des catholiques. Les propriétaires sont même plus dans leur droit que le gouvernement, puisqu’après tout leur terre leur appartient, tandis que le trésor public puise partout et appartient à tout le monde.

L’état de l’Irlande est beaucoup plus grave, et fait craindre qu’une nouvelle crise ne se prépare pour ce malheureux pays. Ce n’est pas qu’en ce moment les populations catholiques soient politiquement fort agitées. Après avoir assisté à deux grands meetings, l’un à Wexford, l’autre à Galway, O’Connell s’était retiré à Derrynane, où il passait ses matinées à chasser et ses soirées à préparer quatorze bills qui doivent résoudre tous les problèmes sociaux, religieux, politiques, dont l’Irlande se préoccupe. Il vient de quitter sa retraite, et de rentrer en campagne ; mais jusqu’ici, malgré ses efforts, l’agitation languit, bien que