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acrostiche ingénieux sur son nom. Cependant la palme appartient évidemment au révérend Leslie, qui, après avoir cité saint Paul pour prouver les torts du gouvernement, termine à peu près en ces termes un discours étincelant « Le gouvernement devrait être la terreur du papisme et de ses abominations. Au lieu de cela, il donne de l’argent pour instruire les prêtres de l’enfer. On dit que c’est la politique de Pitt. Que diable nous fait Pitt ? Les chrétiens ne connaissent pas son nom. Il n’est pas inscrit dans le livre de vie. » Je regrette de le dire, aucun orateur de l’association du rappel n’a, dans aucun temps, atteint cette hauteur.

Tout cela sans doute est burlesque, mais tout cela aussi est fort sérieux dans un pays comme l’Irlande, où le Celte et le Saxon, le catholique et le protestant, le riche et le pauvre, sont séparés par des haines séculaires, dans un pays où la misère est profonde, où le meurtre et la rapine sont endémiques, où il suffit enfin d’une étincelle pour allumer le plus vaste incendie. Que fait pourtant le gouvernement ? Fidèle au principe d’impartialité qu’il a récemment adopté, le gouvernement frappe d’une main le rappel et de l’autre l’orangisme. Ainsi M. Blake et M. Power sont destitués de leurs fonctions de juges de paix pour avoir assisté aux meetings du rappel, M. Watson et M. Archdall pour avoir pris une part active à la réorganisation de l’orangisme. C’est là ce que le Times appelle arracher successivement les cheveux blancs et les cheveux noirs, jusqu’à ce que la tête reste nue. Assurément, une telle politique est juste et sensée. Est-elle praticable en Irlande, sur une terre où il est bien peu de magistrats qui n’inclinent vers le rappel ou vers l’orangisme ? Déjà on remarque, avec quelque raison, que le gouvernement n’a pas osé pousser sa politique jusqu’au bout, et que, tout en destituant M. Watson et M. Archdall, il a respecté le marquis de Downshire, lord Enniskillen, lord Roden, non moins coupables. En vain, pour justifier cette distinction, le gouvernement dit-il que M. Watson et M. Archdall ont fait acte d’orangisme, lord Downshire, lord Roden, lord Enniskillen acte d’opposition protestante seulement : tout le monde sent que la distinction est puérile. Voici d’ailleurs lord Winchelsea qui ne l’accepte pas, et qui, bien qu’étranger aux derniers meetings, se démet de ses fonctions ; voici à sa suite bon nombre de magistrats protestans qui envoient leur démission. Qu’arrivera-t-il, si ce mouvement gagne et se propage ? Sir Robert Peel, dit-on, remplacera les magistrats gratuits par des magistrats payés. C’est peut-être un excellent système, mais fort contraire aux idées, aux habitudes anglaises. Un journal qui connaît bien l’Irlande,