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les radicaux modérés. Par malheur, sur les 290 voix à peu près dont se compose la minorité, les whigs et les radicaux modérés n’en ont pas plus de 200 ; le reste appartient aux radicaux exaltés, à la ligue et aux Irlandais partisans du rappel. Or, ce sont là trois partis difficiles à concilier, et il n’y a pas en Angleterre, comme ailleurs, une fraction parlementaire qui votant pour tout ministère, comble les vides et rétablit l’équilibre. J’ajoute que, déconcertés par les derniers actes de sir Robert Peel, les whigs n’ont pas encore su indiquer d’une manière précise quelles sont leurs vues nouvelles. C’est donc au nom du mot vague de réforme qu’ils se trouvent forcés d’attaquer un ministre qui a fait des réformes importantes. C’est au nom de l’Irlande opprimée qu’il leur faut blâmer la politique d’un cabinet qui, en courant de grands risques, tend à relever l’Irlande de son oppression. On ne saurait nier d’ailleurs que, dans l’état actuel de l’Irlande, pour tenir la balance égale entre l’agitation du rappel et l’agitation orangiste, sir Robert Peel ne soit mieux placé que lord John Russell. Il est mieux placé aussi pour imposer de grands sacrifices à l’aristocratie en faveur des classes pauvres, si cela devient nécessaire. Faut-il dire toute ma pensée ? Je ne crois pas que les hommes éminens du parti whig aient aujourd’hui le désir de prendre le pouvoir. Une grande épreuve se fait en Angleterre, en Irlande surtout, qui, à la longue, doit leur profiter, mais qui rendrait en ce moment leur situation fort difficile. Mieux vaut pour eux que l’épreuve s’achève et que le terrain se déblaie.

Lord Palmerston, je l’ai dit il y a deux ans, est pour lord John Russell une autre difficulté. Lord Palmerston est un homme de beaucoup d’esprit, d’une activité incomparable, et qui, dans un cabinet comme dans l’opposition, peut être fort utile ; mais en 1840 lord Palmerston a eu le malheur, pour satisfaire un ressentiment personnel, de brouiller l’Angleterre avec la France, et de sacrifier à de petites rancunes la politique semi-séculaire de son parti. C’est une faute dont lord Palmerston, depuis cette époque, porte et fait porter le poids à ses amis. L’an dernier, sur je ne sais quels renseignemens, on avait prétendu que lord Palmerston revenait à des sentimens meilleurs, à une politique plus modérée, et que, sans faire amende honorable de son passé, il s’efforcerait de le faire oublier. Loin de là, malgré la froideur, malgré le mécontentement marqué de ses amis, lord Palmerston a persévéré et poursuivi la France sur tous les points du globe avec plus d’acharnement que jamais. Or, si la France rencontre quelque justice et quelque bienveillance en Angleterre, c’est parmi les whigs plus que parmi les tories, parmi les radicaux plus que parmi les