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LE COMTE

Expliquez-vous, je vous en prie.

LA MARQUISE

Ah ! pas du tout ; ce sont vos affaires.

LE COMTE revient près de la marquise et se rasseoit.

Je vous en supplie, marquise ; je vous le demande en grace. Vous êtes la personne du monde dont l’opinion a le plus de prix pour moi.

LA MARQUISE

L’une des personnes, vous voulez dire.

LE COMTE

Non, madame, je dis : la personne ; celle dont l’estime, le sentiment, la…

LA MARQUISE

Ah ! ciel ! vous allez faire une phrase.

LE COMTE

Pas du tout. Si vous ne voyez rien, c’est qu’apparemment vous ne voulez rien voir.

LA MARQUISE

Voir quoi ?

LE COMTE

Cela s’entend de reste.

LA MARQUISE

Je n’entends que ce qu’on me dit, et encore pas des deux oreilles.

LE COMTE

Vous riez de tout ; mais, sincèrement, serait-il possible que depuis un an, vous voyant presque tous les jours, faite comme vous êtes, avec votre esprit, votre grâce et votre beauté…

LA MARQUISE

Mais, mon Dieu ! c’est bien pis qu’une phrase, c’est une déclaration que vous me fabriquez là. Avertissez au moins : est-ce une déclaration ou un compliment de bonne année ?

LE COMTE

Et si c’était une déclaration ?

LA MARQUISE

Oh ! c’est que je n’en veux pas ce matin. Je vous ai dit que j’allais au bal, je suis exposée à en entendre ce soir ; ma santé ne me permet pas ces choses-là deux fois par jour.