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les trouvères sur la plate-forme des châteaux ! Partout, partout, les chansons d’Uhland !

« Place, place, passagers ! Fier Anglais, découvre-toi ! Et vous, jeunesse d’Allemagne, placez votre trouvère au milieu de vous, et qu’un chant, — un de ses meilleurs — qu’un vivat et un chant se mêlent au choc de nos verres ! »

L’enthousiasme du poète continue à se traduire ainsi avec une vivacité chevaleresque ; le jeune homme prend la main du vieux maître, et la plaçant sur son cœur : « Dis, Ô maître, si c’est bien la flamme sacrée qui brûle en moi. » M de Lamartine s’écriait de même devant la harpe de David :

Viens sur mon sein, harpe royale !
Écoute si ce cœur égale
Tes larges palpitations !


Ces empressemens généreux, cette franche ouverture de cœur, sont un des signes distinctifs de M. Dingelstedt. On sait qu’il est de mode aujourd’hui de railler ces doux et profonds poètes de la Souabe. M. Henri Heine, sur ce point, est inépuisable. M. Herwegh a interpellé souvent Uhland et ses amis avec une irrévérence hautaine, et M. Freiligrath, tout récemment, n’a-t-il pas déserté le drapeau de ses nobles guides ? Au milieu de cette réaction impie, vous qui avez conservé tant de candeur loyale et de juvénile enthousiasme, vous avez mérité, poète, que la Muse vous convie encore à ses fêtes, et que votre nom, à son tour, soit invoqué harmonieusement.

Je voudrais accorder les mêmes éloges à toutes les pièces de cette première partie. Puisque l’auteur s’est décidé à retrancher ce qui pouvait paraître blessant dans ses vers, puisque surtout il a fui avec une salutaire aversion les lieux communs des gazettes, commet a-t-il donné place dans son recueil à de mesquines attaques contre la France ? On n’est pas surpris de rencontrer ces déclamations vulgaires, ces médiocres épigrammes, chez des écrivains sans mission ; elles n’ont blessé vivement chez M. Dingelstedt, et je les signale au poète comme une tache qui dépare son œuvre. Les vers adressés à la statue de Frédéric, ceux qu’il intitule : Légende nouvelle du Munster de Strasbourg ne reparaîtront pas, je l’espère, dans une prochaine édition. Renonçons enfin, et une fois pour toutes, à ces rancunes surannées. C’est un faux calcul de se fier à la haine pour réveiller chez soi le sentiment national ; c’est une grave erreur de croire que l’on fondera ces solides vertus sur la jalousie, sur les passions mauvaises. Il y a un si noble moyen d’entretenir dans l’esprit public le