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clarent ne vouloir se fondre avec aucune autre, et qui se proposent tenir une concession coûte que coûte. Elles accepteraient toutes les conditions, c’est-à-dire qu’elles feraient faire à leurs actionnaires définitifs une spéculation désastreuse, uniquement préoccupées de réaliser sur-le-champ des bénéfices énormes. On ne s’étonnera pas qu’en présence de tous ces dangers la confiance publique ait surtout environné les compagnies vraiment sérieuses et honorables, comme la compagnie de l’Union celle des receveurs généraux et quelques autres encore, d’autant plus que ces compagnies, déjà très fortes par elles-mêmes, n’ont pas annoncé d’avance, avec une forfanterie suspecte, qu’elles repousseraient toute alliance. Pour cela, elles connaissent trop la puissance d’une association assise sur des bases légitimes et pures.

La compagnie des receveurs-généraux a surtout été dès sa formation l’objet d’une grande confiance. On a compris sur-le-champ que les receveurs-généraux venaient, pour ainsi dire comme banquiers de l’état, offrir à tous les capitaux les garanties les plus sûres. Il n’y a pas à craindre non plus de voir une semblable compagnie abuser de son monopole pour faire une concurrence funeste à certaines industries. Le ministre des finances n’a-t-il pas sur les receveurs-généraux une action naturelle, une surveillance de droit, qui écartent nécessairement, toutes les appréhensions ? Il est évident aussi que, dans la question des tarifs, le gouvernement exercera, par l’intermédiaire des receveurs-généraux, la plus utile influence. L’instinct public a reconnu dans cette compagnie comme une sorte de délégation du gouvernement qui venait s’associer à l’industrie privée pour la guider et la protéger contre de perfides exploitations.

Tout à coup, au milieu de cette adhésion générale, éclatent des attaques non moins imprévues que violentes. D’où partent-elles ? De quelques journaux. Chose bizarre, on avait gardé le silence sur les compagnies les moins sérieuses, et Dieu sait si le nombre en est petit : contre elles, on n’avait eu ni vivacité, ni colère ; mais, à la vue de la compagnie des receveurs-généraux, certaines gens n’ont pu contenir leur indignation, et ils ont déclaré que cette fois le scandale était à son comble. Quel abus en effet si les receveurs-généraux, qui sont les agens légaux et réguliers de l’échange du numéraire entre Paris et la province, venaient s’associer à d’autres capitalistes pour la construction d’une des grandes lignes de chemins de fer ! Cette association a été déclarée monstrueuse : on a sommé le gouvernement d’y mettre obstacle, sous peine d’être chargé, lui aussi, de la réprobation publique.

Nous en conviendrons, le scandale est grand ; mais de quel côté est-il ? du côté des accusateurs ou du côté des accusés ? Ces derniers, forts de leur conscience et de la légitimité de leur intervention dans la grande question des chemins de fer, n’ont pas caché les causes auxquelles ils attribuaient les attaques dont ils avaient été l’objet ; ils ont parlé, et, pendant quarante-huit heures, l’histoire a égayé tout Paris ; on a pensé, comme dit Beaumarchais, qu’il fallait se dépêcher de rire de peur de pleurer. Laissons ces détails pour exprimer la ferme espérance que le gouvernement ne cèdera pas à cet essai d’intimidation. Désavouer les receveurs-généraux sous