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I.

On sait que la Belgique se divise en deux parties assez distinctes par leur origine, par leur langue et par leurs mœurs : le pays flamand et le pays wallon, ou de langue française.

Le clergé flamand n’a pas besoin, comme le nôtre, de renier ses traditions pour afficher les doctrines ultramontaines ; il a toujours revendiqué la prééminence du spirituel sur le temporel. Le moyen-âge l’y a habitué ; car, à ces époques de fractionnement politique et d’oligarchie communale, toute force d’absorption, tout pouvoir centralisateur, se sont réfugiés nécessairement dans la puissante unité de l’église. La domination espagnole respecta ces prétentions ; mais le gouvernement autrichien ne put s’en accommoder : en 1767, la guerre éclata entre la couronne et le parti ecclésiastique. Marie-Thérèse n’hésita pas à réprimander l’archevêque de Malines, qui avait fait appel au pape d’une question de mariage résolue par la jurisprudence civile. Joseph II aborda résolument l’œuvre commencée par sa mère. Non content de réprimer le clergé dans ses usurpations, il voulut le régénérer en masse, et un édit de 1787 institua le séminaire général, où l’enseignement philosophique, l’initiation aux idées modernes, devaient marcher de pair avec l’enseignement canonique. Les évêques belges protestèrent, défendirent l’entrée du séminaire général et recoururent finalement à l’insurrection. A leur voix, les Flandres les quatre cinquièmes du pays, se levèrent comme un seul homme. Irritées de longue main contre la domination étrangère, emprisonnée d’ailleurs par la nullité littéraire de leur idiome dans une sorte d’impasse intellectuelle, où toute inspiration descendait d’un clergé égoïste et fort arriéré lui-même, ces populations se déchaînèrent contre le monarque philosophe avec la double furie du fanatisme religieux et de l’orgueil national froissé.

En même temps, un mouvement d’une autre nature s’opérait dans l’autre partie du pays Les Wallons, ou Belges de race française, dont les traditions gallicanes se ravivaient sous les prédications de l’école voltairienne, avaient encouragé d’abord Joseph II dans sa lutte contre l’esprit ultramontain, l’empereur philosophe leur faisait oublier le maître étranger. Quelques atteintes portées par Joseph II aux franchises communales, quelques essais, d’ailleurs assez timides, de centralisation, suffirent à rallumer chez eux la haine du joug allemand,