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ordonnances qui concernent la question constitutionnelle. Les pétitions, les adresses des villes, de 1815 à 1823, y ont également leur place, ainsi que les opinions de plusieurs hommes d’état, des lettres, des fragmens de Münster, de Stein, de Hardenbrg. Seulement, pourquoi la dernière partie de ce recueil est-elle si incomplète ? Pourquoi ces mêmes documens, depuis 1840, nous sont-ils communiqués d’une main si avare ? Encore une fois, ce sont là les titres les plus sacrés de la cause libérale. Ces remontrances, toujours respectueuses, mais fermes, composent en quelque sorte un concert grave et puissant ; c’est la voix publique qui chaque jour monte et s’enhardit. À cette voix des villes si l’on ajoute celle des universités, quelle autorité n’aura point cette opposition ainsi appuyée sur les foyers les plus actifs et les plus intelligens du pays ! Or, les universités, si endormies il y a quelques années, commencent à se ranimer enfin. Ce fait est grave et vaut la peine qu’on le signale avec quelque détail ; c’est par là que je terminerai ce tableau des forcés du parti libéral.

Oui, dans ce travail politique qui agite l’Allemagne, on a pu s’étonner à bon droit que les universités aient gardé si long-temps le silence. Ces grandes écoles occupent une place sérieuse dans le pays ; elles renferment l’élite de la nation ; des hommes éminens y ont porté très haut l’histoire et la philosophie du droit ; il y a là ce qui manque en France, des facultés des sciences morales, des cours d’études administratives, mille ressources vraiment précieuses. Ne semble-t-il pas que tant d’élémens de force et de vie devraient être plus féconds ? Personne n’ignore le rôle actif et glorieux des universités dans le soulèvement de 1813. Fichte est le héros de cette époque, et ses discours à la nation allemande, prononcés au milieu de nos baïonnettes, resteront comme un des plus fiers monumens de l’intrépidité nationale. Cette tâche, commencée en 1813, pourquoi les universités n’osent-elles plus la continuer aujourd’hui ? Faut-il de si terribles secousses pour qu’elles se réveillent à la vie ? Il est beau, quand un peuple est écrasé, de changer sa chaire en tribune, et de ressusciter ce peuple par une parole toute puissante ; mais, dans les luttes pacifiques de la civilisation, n’est-ce pas un devoir aussi impérieux pour les gardiens de la science de surveiller, aux jours difficiles, le libre mouvement du dehors, d’éclairer le travail inquiet des esprits, de lui prêter le secours de la pensée et l’autorité d’une direction efficace ?

Quand les Annales de Halle, en 1841, soumirent les travaux des universités à une critique si vive et si impitoyable, les ardens rédacteur de ce recueil signalèrent avec raison un mal très sérieux en