Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 12.djvu/74

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et de tempêtes que n’en avaient provoqué ensemble des empiétemens bien autrement sérieux. M. Nothomb a compris qu’il ne pouvait appuyer la proposition Dubus-Brahant sans se compromettre irrévocablement auprès des libéraux. Dans ses précédentes concessions aux catholiques, ce ministre avait plus ou moins sauvé les apparences. La loi qui enlevait aux communes le droit d’élire leurs magistrats avait réalisé, après tout, une des clauses du vieux programme des modérés. L’arrêté qui avait rendu facultatif le concours institué par M. Rogier entre les classes supérieures de tous les collèges sans exception avait appelé à ce concours l’une des classes élémentaires, et M. Nothomb s’était prévalu de cette extension illusoire pour faire sonner bien haut qu’il avait complété, et non dénaturé, l’œuvre de son prédécesseur. Devant le projet de main-morte, devant cette expression brutale des espérances ultramontaines, la neutralité, les palliatifs, les doubles interprétations devenaient impossibles. M. Nothomb s’est donc efforcé de provoquer le retrait de la proposition Dubus-Brabant. Prières, menaces, promesses, rien n’a été épargné par lui auprès des catholiques dans des conciliabules réputés secrets mais dont des indiscrétions calculées tenaient au courant les libéraux. M. Nothomb a réussi enfin à faire intervenir le pape auprès des évêques, et la malencontreuse proposition a été ajournée à de temps meilleurs.

Accusé de trahison par les catholiques sans être rentré en grace auprès des libéraux, M. Nothomb a voulu profiter des élections de 1843 pour désarmer les deux partis. Des candidats nouveaux, s’annonçant comme libéraux ou comme catholiques, selon que le membre sortant à éliminer relevait de M. Lebeau ou de M de Theux, furent improvisés par lui dans certains districts. Dans d’autres districts, où le membre à éliminer s’appuyait sur les deux opinions, apparaissaient simultanément des candidatures opposées, qui désorganisaient l’ancienne majorité en divisant les voix. Ce coup de Jarnac a enlevé aux catholiques quatre de leurs chefs. Quant aux libéraux, ils ont soutenu rigoureusement le choc. Une résistance sérieuse s’organisait déjà dans leurs rangs. Le clergé en avait déposé le premier germe dans la franc-maçonnerie. L’interdit lancé contre les loges n’avait servi qu’à leur donner une signification politique, à les transformer en véritables clubs, où s’affiliaient, dans les villes françaises, les libéraux tant modérés qu’exaltés, et, dans les villes flamandes, les orangistes, qu’une haine commune coalisait avec les libéraux contre l’esprit clérical. Toutefois cette coalition n’aurait jamais franchi le terrain neutre des élections communales sans deux évènemens qui rapprochèrent, sur le