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du tabac et des fourneaux de pipe en terre rouge, assez bien émaillés, et qui ont en Orient une certaine réputation. Les maisons de la ville sont des cahutes, les édifices des hangars ; et les rues des cloaques ; il n’y a rien à voir en tout cela. Le nom de Routschouk rappelle l’un des hommes les plus extraordinaires de l’histoire turque contemporaine, qui est pourtant si féconde en poétiques figures : je veux parler de Mustapha Baraïctar, pacha de Routschouk, qui joua dans la révolution de 1808 un si grand rôle, et fut cause de la mort de Sélim, auquel il voulait rendre la couronne.

Giurgevo, ville de sept à huit mille habitans, est situé en face de Routschouk ; là sont établis les lazarets, et les voyageurs qui se rendent à Bukarest sont condamnés à y séjourner quelque temps. Les lazarets placés par le gouvernement valaque dans tous ses ports forment onze établissemens, et le cordon sanitaire occupe plus de 1,122 hommes à pied et environ 350 cavaliers. Il ne faut pas croire que les lazarets soient peu fréquentés ; un grand nombre de voyageurs au contraire y purgent leur quarantaine. Celui de Giurgevo a reçu en une année plus de 3,000 passagers, et celui de Galacz, qui, à la vérité, est le seul établissement de ce genre que la Moldavie possède sur le Danube, en a reçu déjà, en 1833, 4,000. Ce chiffre paraît énorme, si l’on songe que l’année précédente 3,982 voyageurs seulement étaient entrés au lazaret de Marseille.

A trois heures du matin, le bateau se remit en marche, et vers le milieu du jour, après avoir passé sous de hautes falaises dans lesquelles on aperçoit encore des ouvertures, restes d’anciens tombeaux, nous arrivâmes devant Nicopoli, qui a été bâtie sur un monticule dominé par deux montagnes. Nicopoli, ville aujourd’hui sans importance, a été fondée par Trajan, après qu’il eut vaincu Décébale ; elle tomba, en 1370, au pouvoir de Bajazet, qui remporta dans les environs deux victoires décisives, l’une sur l’empereur Sigismond, la seconde, sur la noblesse française conduite par Philippe d’Artois et Jean-sans-Peur, comte de Nevers.

Je dirai peu de choses de Wadin, où nous nous arrêtâmes vers le soir. Avec ces trois mots : misère, tristesse et abandon, on peut dépeindre très fidèlement la plupart des pauvres bourgades qui bordent la rive droite du Danube, au-dessous de Belgrade. A Wadin, on voit encore deux énormes blocs de pierres, debout au bord du fleuve, et qu’on dit être les restes d’une forteresse romaine. Les maisons de la ville sont presque toutes enfouies sous terre ; ce sont des terriers plutôt que des habitations humaines. De l’église, qui est également