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Fais retentir au loin la gaîté de tes chants
En strophes matinales.

Je n’entendis jamais de près ta belle voix ;
Jamais, au premier âge,
Tu ne vins sur mon front te choisir dans les bois
Un balcon de feuillage.

Mais qu’importe le nom qu’on te donne ici-bas,
Voix que le ciel inspire !
Mon cœur te connaît bien ; et ne me rends-tu pas
Une larme, un sourire ?

Qu’importent les couleurs dont tu luis au soleil,
Dans les herbes nouvelles ?
Dieu t’a fait le présent qui n’a point de pareil,
Ta musique et tes ailes.

Ce n’est du rossignol ni le chant soutenu,
Ni la vive alouette ;
C’est un vague soupir, un talent méconnu
D’insouciant poète.

Ce n’est point la beauté superbe, à l’œil vainqueur ;
C’est la vierge qui passe,
Se tourne, vous regarde, et laisse au fond du cœur
Le parfum de sa trace.

Chaque printemps, tu viens, de tes jeunes amours,
Chanter, jeune interprète ;
Chaque printemps, plus vieux et plus triste toujours
Je t’écoute et m’arrête.

Tu répands en mon ame un confus souvenir
D’harmonie et d’enfance,
Comme la fleur d’automne abandonne au zéphyr
Un doux reste d’essence.

Et je rêve au passé ! petit oiseau des champs
Qui, par longs intervalles,
Fais retentir au loin la gaîté de tes chants
En strophes matinales.

Sous la motte de terre as-tu pour paravent
La mauve ou la pervenche ?
Ou ton frêle édifice aux caprices du vent
Flotte-t-il sur la branche ?

Fais-tu des tendres blés qui couvrent les sillons