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étudier, M. Cunin-Gridaine déclare, dans la circulaire qui accompagne l’ordonnance de convocation, qu’il n’entend pas limiter la liberté d’examen et de discussion. Les hommes pratiques et spéciaux qui siégeront dans ces conseils auront donc toute facilité pour appeler l’attention du gouvernement et des chambres sur les points qui leur paraîtront les plus importans, et sur les solutions qu’ils jugeront les meilleures.

À la Bourse, ce qui était à craindre arrive. À des espérances excessives, traduites par des primes exagérées, succède une panique déraisonnable. Les chemins de fer, dont on s’arrachait, il y a peu de temps encore, les promesses d’actions, ne rencontrent plus qu’un public épouvanté par de récentes catastrophes. Il faut dire aussi que les capitaux attendus de Londres pour compléter ici des fonds sociaux n’ont pas répondu à l’appel. On voit que les alliances entre des intérêts si distincts et si séparés ne portent pas toujours d’heureux fruits. La faillite d’un agent de change dans une position brillante en apparence, faillite dont le passif monte, dit-on, à plus de trois millions, est venue accélérer la réaction commencée. Les chemins de fer ont tous subi une dépréciation considérable à la suite du chemin de fer du nord, qui est tombé à 615 fr. ; on a accusé de cette baisse un célèbre banquier. Il y a tant de blessés en pareil cas, que les plaintes sont nombreuses ; mais elles ne sont pas toujours justes. Le banquier auquel on a adressé ces reproches a pu vendre plusieurs de ses actions du nord dans les hauts cours : mais il y a loin de ce qu’il a pu faire à la proportion gigantesque que l’on suppose. C’est ce que les livres de transfert du chemin du nord prouveraient facilement. Les actions définitives des deux chemins adjugés de Strasbourg et de Nantes se vendent à peine à la modique prime de 5 fr., tandis qu’avant l’adjudication, elles valaient pour Strasbourg jusqu’à 80 fr. Si la ligne de Strasbourg n’est pas très en faveur dans le monde financier, celle de Lyon continue à passer pour bonne et désirable. Ainsi, la compagnie des receveurs-généraux a reçu, malgré la crise, les nombreux versemens de ses souscripteurs. La faculté de déposer des rentes est une sage mesure, dont le succès a démontré la justesse. En résumé, la crise existe, on ne saurait le nier. Il y a pour plusieurs un réveil cruel après des rêves insensés : il y a eu d’immorales spéculations ; il y a eu et il y a encore des compagnies illusoires ; mais, malgré ces mauvais momens à traverser, l’avenir appartient aux chemins de fer sérieusement acquis et aux capitaux sages et patiens.


— Jamais le théâtre n’a joui de plus de faveur qu’en ce moment à Madrid. Autrefois deux scènes suffisaient à la foule, — celles du Principe et de la Cruz ; il y a aujourd’hui six théâtres ouverts au public, quatre consacrés au drame ou à la comédie, el Principe, l’Instituto, Variedades, Buena Vista, et deux où se joue l’opéra italien : ce sont el Circo et la Cruz. Comme on voit, la capitale de la Péninsule, la corte, selon le langage espagnol, offre de nombreuses ressources de plaisir. Moriani chantait récemment à la Cruz