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bon. Faute de mieux, elles attaquent jusqu’aux vieux cuirs. Aussi fécondes que voraces, elles pullulent quelquefois dans les vaisseaux marchands au point de détruire des cargaisons entières, et de nécessiter la condamnation du navire. Tels étaient les hôtes que la Sainte-Rosalie recélait dans ses moindres fentes, et qui, le soir venu, couraient par milliers autour de nous et sur nous en répandant une odeur empestée. C’est en vain que pour les détruire nous eûmes recours aux moyens les plus énergiques. Pendant le cours de la campagne, nous fîmes, à diverses reprises, laver notre barque au sable et à l’eau de mer ; nous essayâmes de boucher toutes les fentes. Ce fut peine inutile. Toujours les blattes reparurent aussi nombreuses, aussi infectes. Il fallut en prendre notre parti, et compter sur l’habitude pour diminuer le dégoût.

Malgré la découverte désagréable qu’elle amena pour nous, la première nuit du bivouac se passa à merveille. Le lendemain, au point du jour, nous éveillâmes nos hommes, et reprîmes notre route, bien impatiens de rencontrer au plus tôt une station favorable à nos recherches. Nous fûmes servis à souhait. En doublant un petit promontoire, nous aperçûmes un îlot dont le pourtour hérissé de rochers à fleur d’eau et profondément découpé semblait devoir offrir aux mollusques, aux annélides, à toute cette population marine que nous venions étudier, de nombreuses et tranquilles retraites. La carte, consultée, nous apprit que c’était l’île des Femmes, l’isola dei Femine, placée en face d’une langue de terre et de rochers où est bâti le village de la Torre dell’Isola di Terra, habité par une population de pêcheurs. Nous abordâmes, et, tandis qu’un matelot faisait cuire sous un feu de broussailles quelques œufs destinés à notre déjeuner, nous explorâmes le rivage, et fûmes vite convaincus que nous ne pouvions mieux choisir pour une première halte.

Pendant que, tout fiers de cette découverte, nous mangions nos œufs durs en délibérant sur la possibilité d’une installation, un douanier, cassé par l’âge, approcha, et, avec de grandes démonstrations de respect, engagea nos excellences à se rendre au village, les assurant qu’elles trouveraient sans peine à se loger. D’abord surpris de cet empressement, nous ne tardâmes pas à en connaître la cause. Non conteras de nous avoir remis des lettres qui devaient conjurer les ennuis de la douane et de la sanita, le duc de Serra di Falco et le duc de Cacamo, directeur-général du service sanitaire, avaient expédié à leurs subordonnés une circulaire où, en les prévenant de notre arrivée, ils leur enjoignaient de nous être utiles autant que possible. Aussi