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Les victimes étaient les criminels, les rebelles ; quand une ville avait manqué à sa fidélité envers le souverain, on la taxait à un certain nombre de personnes, hommes, femmes et enfans. Mais c’était la guerre qui contribuait le plus à alimenter les autels. Dans un entretien avec Cortez, l’empereur interrogé par le conquistador sur le motif qu’il pouvait avoir eu pour ne pas en finir avec les Tlascaltèques qui refusaient de reconnaître sa suzeraineté, répondit qu’en cessant la guerre avec eux, on eût été embarrassé pour se procurer des victimes en nombre suffisant pour honorer les dieux.

Cependant tout captif n’était pas pour cela même inexorablement voué au sacrifice. Les Mexicains tenaient la bravoure en grande considération, et ils offraient aux plus braves des prisonniers une chance de salut :


« Il existait au milieu de toutes les places de la ville des constructions circulaires en chaux et en pierres de taille, de la hauteur de huit pieds environ, On y montait par des gradins ; au sommet était une plate-forme ronde comme un disque, et au milieu une pierre ronde scellée, ayant un trou au centre. Après certaines cérémonies, le chef prisonnier montait sur cette plate-forme ; on l’attachait par le pied à la pierre du milieu, au moyen d’une petite corde ; on lui donnait une épée, une rondache, et celui qui l’avait pris venait le combattre ; s’il était de nouveau vainqueur, on le regardait comme un homme d’une bravoure à toute épreuve, et il recevait un signe en témoignage de la vaillance qu’il avait montrée. Si le prisonnier remportait la victoire sur son adversaire et sur six autres combattans, de sorte qu’il restât vainqueur de sept en tout, il était délivré, et on lui rendait tout ce qu’il avait perdu pendant la guerre. Il arriva un jour que le souverain d’un état, nommé Huecicingua (Huexotzingo), combattant avec celui d’une autre ville, nommé Tula, le chef de Tula s’avança tellement au milieu des ennemis, que les siens ne purent le rejoindre. Il fit des prouesses admirables, mais les ennemis le chargèrent avec tant de vigueur, qu’ils le prirent et le conduisirent chez eux. Ils célébrèrent leur fête accoutumée, le placèrent sur la plate-forme, et sept hommes combattirent contre lui. Tous succombèrent l’un après l’autre, quoique le captif fût attaché suivant l’usage. Les habitans de Huexotzingo, ayant vu ce qui s’était passé, pensèrent que s’ils le mettaient en liberté, cet homme, étant si brave, n’aurait point de repos jusqu’à ce qu’il les eût tous détruits. Ils prirent donc la résolution de le tuer. Cette action leur attira le mépris de toute la contrée ; ils furent regardés comme des gens sans loyauté et des traîtres, pour avoir violé dans la personne de ce seigneur l’usage établi en faveur de tous les chefs[1]. »


Provenant de nations dont les croyances étaient les mêmes, les

  1. Collection Ternaux, Relation d’un gentilhomme à la suite de Cortez, p. 61 du volume intitulé : Recueil de pièces relatives d la conquête du Mexique.