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annales régulièrement tenues, et, malgré de Guignes, rien n’y annonce la découverte d’un continent, rien n’y indique des échanges avec l’Amérique. De même aucun souvenir de la Chine et de l’Inde ne subsistait au Mexique. Ainsi les Mexicains n’étaient, par rapport à l’Asie, ni des, enfans, ni des colons ou des initiés. Les communications entre l’Anahuac et le revers oriental de l’ancien continent se réduisaient au contact de quelques Asiatiques isolés, égarés de leur chemin, desquels les Mexicains avaient tiré quelques notions de science et d’astrologie et quelques traditions cosmogoniques, et qui n’étaient pas retournés chez eux. On peut croire enfin que ce que les Aztèques avaient des grands peuples de l’Asie, ils ne l’avaient reçu que par intermédiaire et déjà dénaturé.

Considérées isolément, les traditions donneraient même à croire que ce serait plutôt du revers de l’ancien continent qui est opposé à la Chine, de l’Europe en un mot, que serait venue la civilisation mexicaine, et, disons-le, la civilisation américaine en général. Chez les peuples régulièrement constitués que les Espagnols ont rencontrés dans le Nouveau-Monde, sur les trois plateaux du Mexique, de Cundinamarca et du Pérou, la tradition représente les initiateurs comme arrivant en effet de l’orient, et non pas de l’occident. Au Mexique Quetzalcoatl, dans le pays de Cundinamarca Bochica, et au Pérou Manco-Capac, viennent de par-delà les monts ou même d’au-delà des mers, du côté où le soleil se lève, et les descriptions qu’on donne de leurs personnes se rapportent à notre race caucasienne mieux qu’à toute autre.

Mais le plus sûr est de considérer la civilisation mexicaine comme autochtone. Les races rouges avaient trouvé chez elles-mêmes les principaux matériaux de leur édifice religieux, social et politique. Des êtres supérieurs les avaient tirés du fond de leur génie, ou les avaient reçus par l’effet d’une de ces illuminations révélatrices auxquelles il faut recourir comme à la cause suprême lorsqu’on essaie de remonter à l’origine des sociétés. Que si, parmi les analogies qu’on a invoquées en faveur des divers systèmes d’après lesquels la civilisation du Mexique procéderait d’une de celles de l’ancien monde, il est des traits de ressemblance remarquables et séduisans, tels que les pyramides colossales et orientées, quelques autres caractères de l’architecture, et l’emploi de signes hiéroglyphiques, il convient de se demander s’il ne serait pas juste de les attribuer simplement à ce que l’homme est semblable à lui-même dans ses ouvrages comme en sa personne, et si, au contraire, il ne serait pas bien surprenant que les