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L’objet des philosophies n’est pas seulement de recueillir les vérités essentielles, mais de les expliquer, et en outre de découvrir sans cesse des vérités nouvelles. Aussi, le christianisme, en fermant la carrière des religions, ne ferme pas celle de l’esprit humain, que rien au monde ne peut fermer, qui est de soi sans limites et sans terme. Mais l’objet capital des religions est de recueillir, de conserver, d’enseigner les vérités essentielles. La religion chrétienne a fait cela. Elle est donc en un sens juste et profond la seule religion vraie, parce qu’elle est la seule parfaitement digne de l’homme, et, par une suite nécessaire, elle est la dernière des religions.

Le xviiie siècle s’est donc trompé sur la nature des religions et sur la religion chrétienne en particulier. Il a cru que les religions étaient l’ouvrage de la crédulité et de l’imposture, tandis qu’elles sont le produit naturel et régulier de l’instinct moral et religieux du genre humain. Il s’est trompé sur le christianisme, parce qu’il a cru que c’était une religion comme une autre, et qu’elle était contraire à la religion naturelle et à la raison.

C’est une erreur radicale. Ce que le xviiie siècle a appelé religion naturelle, c’est le fonds du christianisme et de la raison. Il y a, en effet, au xviiie siècle trois grandes tentatives pour codifier la religion naturelle. Cette triple entreprise se rattache aux trois principales écoles philosophiques, l’école de Kant, l’école de Rousseau, l’école de Reid. Je laisse de côté l’Encyclopédie, les matérialistes et les athées, qui, après avoir célébré la religion naturelle et la loi naturelle, aboutissent à nous dire que la morale consiste à se conserver, et la religion à croire à la nature.

Les trois écoles dont je parle professent un grand mépris pour les systèmes philosophiques, et une grande indépendance à l’égard des croyances religieuses, laquelle se concilie avec une foi sincère chez les sages de l’Écosse, s’arrête au respect chez Kant, et va chez Rousseau plus d’une fois jusqu’à l’hostilité. Or, recueillez dans la Critique de la Raison pratique de Kant, dans la Profession de foi du Vicaire savoyard et dans les Essais de Reid, les articles fondamentaux de la religion naturelle ; qu’y trouverez-vous ? Ces mêmes vérités que le christianisme a pour la première fois réunies en un système parfaitement approprié au genre humain, et que la philosophie moderne, le génie des Descartes, des Malebranche, des Leibnitz, a assises sur le fond même de la raison, au-dessus de tous les systèmes théologiques et de toutes les hypothèses métaphysiques.

Examinez en effet les dogmes fondamentaux sur lesquels repose le