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au travers des problèmes religieux et philosophiques, il faudrait lui interdire le mouvement.

M. l’archevêque de Paris triomphe de cette fragilité de la raison humaine. La philosophie ancienne, dit-il, n’avait, pour arrêter ses égaremens, aucune barrière sacrée et puissante. Le christianisme a élevé cette barrière. J’accorde cela sans difficulté. Oui, si la philosophie ancienne a découvert et mis au monde toutes les grandes vérités morales et religieuses, le christianisme seul les a enchaînées dans un corps de doctrine complet et précis ; seul il a pu les enseigner aux hommes au nom de Dieu, seul il a pu les mettre sous la garde d’une autorité permanente et réputée infaillible. Que ce soit l’éternel honneur du christianisme ; mais il y a une ingratitude étrange de la part de ses ministres à soutenir que le christianisme ne doit rien à la philosophie ancienne, rien à Socrate, rien à Platon, rien à Aristote, rien à Zénon et à Plotin, et cela pour aboutir à ce résultat hautement démenti par l’origine et l’organisation du christianisme, que la raison humaine est naturellement impuissante en matière de vérités morales et religieuses.

On ne saurait croire dans quels argumens désespérés se jette M. l’archevêque de Paris pour effacer les preuves éclatantes de l’influence exercée par la philosophie ancienne sur la formation du christianisme. Il défigure de la manière la plus étrange le système de Platon, lui attribuant tour à tour la théorie de l’émanation, qui est panthéiste, et la théorie de deux principes coéternels, qui est dualiste ; confondant les temps et les lieux, et ne paraissant pas distinguer les platoniciens qui s’entretenaient à Athènes, sous les ombrages d’Académos, avec ces néo-platoniciens de Rome et d’Alexandrie, qui ont vu saint Clément et Athanase. Nous sommes loin de faire un crime au savant auteur du Traité de l’Administration temporelle des Paroisses d’avoir peu fréquenté Platon ; nous dirons seulement à ceux qui seraient tentés d’aller chercher dans le livre de M. l’archevêque de Paris même une imparfaite esquisse du plus beau système qu’ait produit l’antiquité : Ne lisez pas ce chapitre du docte prélat, lisez deux pages du Phédon et du Banquet.

M. l’archevêque de Paris n’est pas moins injuste pour l’école stoïcienne ; il en supprime toutes les grandes parties. À quoi bon relever les imperfections de la physique de Zénon, quand tout le monde sait que la gloire du Portique est dans sa morale ? Je ne citerai pas Sénèque à M. l’archevêque de Paris ; il ne manquerait pas de me dire que Sénèque avait lu saint Paul, lui qui n’hésite pas à faire connaître la