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1526. Son père était dans l’aisance, et l’on a fait remarquer avec raison que cette profession de marchand cordier s’appliquait alors à un genre de commerce beaucoup plus étendu qu’aujourd’hui, puisqu’il comprenait la fourniture des câbles et des autres cordages nécessaires au service de la navigation. Qui disait cordier pourtant voulait désigner toujours (qu’on le sache bien) un fabriquant tenant de l’artisan, qui avait son tablier durant la semaine, et mettait lui-même la main à la corde. Ce qui est certain, c’est que l’éducation de Louise fut fort soignée, qu’elle vécut dans les loisirs et les honnêtes passe-temps ; elle apprit la musique, le luth, les arts d’agrément, les belles-lettres, sans négliger pour cela les travaux d’aiguille, et enfin elle associait à ces goûts divers, déjà si complets chez une femme, les exercices de cheval et des inclinations passablement belliqueuses. Il semblait, en un mot, pour parler le langage d’alors, que Pallas l’eût instruite en tous ses arts ingénieux et dotée de tous ses dons. Louise Labé, sans viser précisément à l’émancipation des femmes comme nous l’entendons aujourd’hui, faisait quelques pas hardis en ce sens ; elle était de celles, ainsi qu’elle le dit dans sa dédicace à son amie Mademoiselle Clémence de Bourges, qui donnaient le conseil, sinon l’exemple, et qui osaient du moins prier les vertueuses dames d’élever un peu leurs esprits par-dessus leurs quenouilles et fuseaux. Chez elle, jeune fille ou femme, ce fut toujours le père ou le mari qui tint la quenouille ; dans cette profession de cordier, l’expression se trouvait littéralement vraie et sans métaphore. Lyon offrait, à cette époque, une réunion de personnes du sexe très remarquables par les talens en tous genres, et, à ne consulter que les poésies de Marot, on y trouve célébrées les deux sœurs Sybille et Claudine Sève, parentes de Maurice, la savante Jeanne Gaillarde, toutes plumes dorées, comme il dit, et les sœurs Perréal, qui étaient peintres. Louise Labé, qui a très bien pu, même avant son mariage avec le cordier Ennemond Perrin, s’être appelée la belle Cordière, prit rang de bonne heure, et, dès l’âge de seize ans, sa beauté et son esprit la produisirent. On sait, à n’en pouvoir douter, que, dans son enthousiasme d’amazone, elle alla au siége de Perpignan, en 1542, n’étant âgée que de seize ans, et qu’elle y figura en homme d’armes, sous le sobriquet de Capitaine Loys. Il est à croire qu’elle suivit en effet à ce siége ou son père ou son frère, fournisseurs peut-être à l’armée, et de là à ses exploits chevaleresques, un peu exagérés sans doute par les poètes et les admirateurs de sa beauté, il n’y a qu’un pas. Nous n’en ferons pas tout-à-fait une Jeanne d’Arc ni une Clorinde, non plus que nous n’écouterons Calvin, qui abuse