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épars, que faut-il ? Montrer dans le gouvernement un esprit libéral et conservateur à la fois, agir d’après les vues qui inspiraient Casimir Périer lorsqu’il ratifiait l’occupation d’Ancône, le ministère du 15 avril lorsqu’il proclamait l’amnistie, M. Thiers lorsqu’il venait apporter à la loi de régence le concours de sa popularité et de son talent. Mais on ne ralliera point le parti conservateur en suivant une politique stérile au dedans, faible au dehors, en élevant des barrières entre les hommes, en condamnant l’esprit de tolérance et de modération, en accusant, par exemple, M. Molé d’avoir changé de camp au 15 avril, parce qu’il a voulu s’appuyer sur les deux centres. Chose étrange, c’est M. Guizot qui reproche à M. Molé d’avoir changé de camp ! Faut-il s’étonner que la réplique de l’honorable pair ait été vive, et qu’il ait répondu en adversaire indigné ?

On demande encore quels sont les griefs de M. Molé contre le ministère du 29 octobre. Les scrutins de la chambre des députés et de la chambre des pairs se sont chargés, depuis deux mois, de répondre là-dessus aux plus incrédules, et d’éclairer les consciences les plus rebelles. Il est permis à M. Guizot de s’isoler dans la contemplation de son œuvre, de conserver son enthousiasme pour la politique du droit de visite et de Taïti, d’oublier le concours de M. Thiers en parlant des fortifications et de la loi de régence, d’oublier le maréchal Bugeaud en parlant de l’Algérie, d’oublier le roi en parlant du voyage à Windsor. Il est permis à M. le ministre des affaires étrangères, lorsqu’une opposition formidable se dresse devant lui, de croire encore qu’il rêve, et de ne voir dans cette opposition qu’un mouvement factice, effet passager d’un double travail des partis dans les chambres, et des journaux dans le pays. Grace à Dieu, de pareilles illusions ne sauraient être contagieuses. Les opinions sont faites, toute l’éloquence de M. Guizot ne les changera pas. Les fautes du 29 octobre sont évidentes pour tous les yeux. La discussion les a démontrées, et les embarras de la situation présente sont le triste commentaire de la discussion. Que deviendra le parti conservateur dans les élections prochaines ? voilà la question qui préoccupe tout le monde, amis ou ennemis du gouvernement de juillet. L’inquiétude que cette question répand dans le pays, les craintes qu’elle donne au parti conservateur, les espérances factieuses qu’elle fait naître, voilà le grief de M. le comte Molé contre la politique du 29 octobre. Que l’honorable M. Guizot se rappelle ses griefs contre le là avril. La source en était-elle aussi légitime, et pouvait elle s’avouer aussi franchement ?

M. Guizot a déclaré que son désir, il y a un mois, avait été d’abandonner le pouvoir. Il trouvait, dit-il, l’occasion belle pour se retirer ; mais une réunion de conservateurs ayant prié le cabinet de garder les affaires, leur vœu a dû être écouté, et maintenant M. Guizot s’applaudit de n’avoir pas obéi à son premier mouvement. Il dit à M. Molé : « Vous le voyez, le parti conservateur est avec nous ; il ne vous suivrait pas. Il s’inquiète de vos paroles, de vos alliances : vous êtes entré seul dans l’opposition. — Certes, voilà de