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que d’aveuglement quand elle refuse les offres de Robespierre, de Clarke, de Napoléon, qui voulaient lui donner Gènes, Milan, la mettre de vive force à la tËte de l’Italie et la tourner contre l’Autriche, l’ennemi naturel du pays ! N’importe, l’historien piémontais reste fidèle au Piémont, il accepte la conduite de ses ministres, il adopte par haine de la France les plus mauvais instincts du parti rétrograde piémontais. Il respecte donc cette bonne alliée, l’Autriche ; il parle avec mille égards des généraux autrichiens, il va jusqu’à se réjouir de cette pitoyable émeute de Milan qui finit avec l’assassinat du comte Prina et la destruction du royaume d’Italie. Quelle est la conclusion de Botta ? Une incroyable contradiction. Au moment de la retraite de cette armée française par lui si détestée, on le voit ému. « Entre la bataille de Montenotte, dit-il, et la convention de Schiavino-Rizzino, il ne s’écoula que vingt années, mais il faut les compter pour des siècles, et la mémoire n’en périra qu’avec le monde. » Tournez quelques feuillets, les anciens princes reviennent dans le pays, et Botta de s’écrier : « C’est ainsi que l’Italie, après vingt ans de tribulations et de massacres plus funestes pour elle que dix tremblemens de terre et mille éruptions volcaniques, se vit replacée dans son état primitif. » Que penser d’une telle inconséquence ? Comment pénétrer dans la pensée de l’historien ! Est-il satisfait, est-il affligé de voir l’Italie rendue à elle-même ? Quelques mots de Napoléon suffisent pour détruire tout le travail de Botta. « Quant aux quinze millions d’Italiens, dit l’empereur à Sainte-Hélène, l’agglomération était déjà fort avancée : il ne fallait plus que vieillir, et chaque jour mûrissait chez eux l’unité de principes et de législation, celle de penser et de sentir, ce ciment assuré et infaillible des agglomérations humaines. La réunion du Piémont à la France, celle de l’arme, de la Toscane, de Rome, n’avaient été que temporaires dans ma pensée et n’avaient d’autre but que de surveiller, garantir, avancer l’éducation nationale des Italiens. Et voyez si je jugeais bien, et quel est l’empire des lois communes ! Les parties qui nous avaient été réunies, bien que cette réunion pût paraître de notre part l’injure de l’envahissement, et en dépit de leur patriotisme italien, ces mêmes parties ont été précisément celles qui de beaucoup nous sont demeurées les plus attachées. Aujourd’hui qu’elles sont rendues à elles-mêmes, elles se croient envahies, déshéritées, et elles le sont !… »

A force de combattre l’influence de la France et de sacrifier la liberté à l’indépendance, le patriotisme italien devait s’engager peu à peu dans les voies de la contre-révolution. Ce travers date de la réforme : dès-lors on combattit le protestantisme des barbares avec le catholicisme