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elle admettait l’influence de la cour, celle de l’aristocratie ; de là les secrets diplomatiques, les concessions, l’armée confiée à des hommes suspects ou ineptes choisis par le roi ; de là enfin tous les échecs des insurgés de Naples et de Turin. Comment le peuple pouvait-il s’intéresser à la révolution, tant que l’aristocratie restait debout ? Il fallait réclamer des formes républicaines, et par conséquent provoquer des insurrections populaires, une guerre de bandes et de guerillas, abolir l’aristocratie, repousser les rois, les alliances royales, écarter la diplomatie, appeler partout des hommes nouveaux. « C’était là, ajoute le conspirateur, le vœu des jeunes Romagnols en 1831 ; la jeunesse n’a pas osé rompre avec le libéralisme doctrinaire de la restauration : le dernier désastre prouve que désormais on ne pourra sortir de l’excès du servage que par l’excès de la liberté. »

M. de Sismondi essayait à son tour de combattre la fougue de M. Mazzini. Invité à écrire dans la Jeune Italie, il répondit immédiatement[1] : « Si par mon nom, par mon exemple, je puis être utile à cette Italie que j’aime comme une patrie, que je ne cesserai de servir de toutes mes forces, et pour laquelle je ne cesserai d’espérer, je vous promets ma coopération. » Il fut beau de voir la déférence filiale du jeune Italien et le noble empressement de l’économiste genevois. M. de Sismondi n’épargnait pas les avis et posait les questions. « Les Italiens, disait-il, peuvent arriver à la liberté par trois voies absolument distinctes : par des réformes pacifiques, par des insurrections nationales, par une guerre européenne qui offre à l’Italie l’occasion de saisir son indépendance. Dans les deux derniers cas, préférez-vous la monarchie ou la république, le gouvernement unitaire ou le fédéralisme ? Comment réglez-vous les élections, comment intéressez-vous les agriculteurs à la révolution ? Vous êtes unitaire et républicain. Sur les principes, je suis en grande partie d’accord avec vous, c’est-à-dire que, porté par mes sympathies à préférer partout les institutions républicaines, je les désire surtout pour l’Italie. Cependant, si (chose peu probable) le roi de Naples ou de Piémont voulait combattre pour l’indépendance, ne devrait-on pas préférer cette indépendance appuyée sur la force à la liberté ? D’un autre côté, la liberté, donnée même par des étrangers à l’Italie, ne serait-elle pas un moyen pour conquérir l’indépendance ? Enfin la liberté elle-même présente le plus redoutable de tous les problèmes, celui de la protection des classes pauvres et ignorantes. Doit-on s’acharner contre les doctrinaires, tant que ce

  1. Cette réponse a été insérée dans la Jeune Italie.