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IV – DE LA SITUATION ACTUELLE

Nous venons de signaler toutes les nuances du parti libéral italien ; il nous reste à examiner le problème que soulève la situation politique et intellectuelle de la péninsule. Ce problème est des plus difficiles : à côté des questions européennes, de celles de l’Autriche et du saint-siège, il y a les questions intérieures soulevées par la lutte des partis. Les guelfes, les gibelins et les absolutistes sont ligués contre le parti libéral, qui se subdivise dans les trois fractions réformiste, constitutionnelle et démocratique. Les tendances fédéralistes ajoutent à la complication : la Sicile cherche à se séparer de Naples ; Gênes, de Turin ; Bologne, de Rome ; les révolutions ont réveillé des rivalités locales à Basilicata, à Capitanata, dans les Calabres. Il y a donc des fédéralistes, tandis que la grande majorité des révolutionnaires est à la poursuite de l’unité italienne. Parmi les révolutionnaires, les uns pensent que l’insurrection doit partir des Calabres, les autres, qu’elle doit partir du Piémont ; les uns tiennent à l’alliance française, les autres à l’isolement ; les uns prêchent l’insurrection, les autres les moyens pacifiques ; les uns ajournent toutes les questions et les sacrifient à celle de l’indépendance, les autres ajournent toutes les questions, y compris celle de l’indépendance, pour les subordonner à la conquête de la liberté. Voilà bien des élémens de discorde auxquels il faut encore ajouter toutes les tendances administratives, commerciales et agricoles des localités diverses. Comment ménager tous les instincts de l’Italie ? comment satisfaire tous ses besoins ? N’oublions pas qu’il s’agit moins ici d’une question de principes que d’une question de moyens. Les moyens doivent changer selon les circonstances ; ce serait folie que d’enchaîner la cause de la liberté à une sorte de fatalité politique. Il ne faut pas imiter Foscolo, qui déposait les armes parce que le royaume d’Italie était tombé : l’Italie devait survivre. Que serait la France si, en 1789, elle avait voulu se lier irrévocablement à une éventualité, à un moyen, à une forme de gouvernement, à une dynastie ? Or, la question italienne se simplifie dès que l’on distingue les principes des moyens, et on peut apprécier les projets révolutionnaires proposés depuis 1814 et même depuis 1796.

Il y en a qui parlent d’ajourner toutes les tentatives démocratiques pour conquérir l’indépendance : c’est là un projet de cour. On supprimerait la révolution pour affranchir du joug de l’Autriche, non pas