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Cette étincelle sacrée, qui l’anime comme historien, ne lui a fait défaut en aucune autre application de sa pensée, et tout pratique qu’il est et qu’il se pique d’être, je ne répondrais pas qu’elle ne l’ait embarrassé plus d’une fois comme politique.

Dans l’automne de 1822, M. Thiers voyagea dans le midi et aux Pyrénées, en faisant le tour par Genève, Marseille, jusqu’à Bayonne, et en pénétrant dans les montagnes à cette extrême frontière où s’agitaient l’agonie de la Régence d’Urgel et les débris de l’armée de la Foi. La relation de ce voyage parut en 1823 sous ce titre : Les Pyrénées et le Midi de la France pendant les mois de novembre et décembre 1822. Le but principal de cet écrit, tout de circonstance, était de donner des notes exactes et de rapporter de fraîches informations sur ces mouvemens politiques auxquels l’opinion prenait alors tant d’intérêt. Mais, la part faite à ces observations et préoccupations libérales, ce petit écrit se recommande encore, après bien des années, par quelques pages plus durables : des descriptions lumineuses et faciles annoncent, dans le voyageur, l’habitude précoce et la faculté de voir géographiquement des ensembles, de décrire de haut et sans effort la configuration des lieux et des bassins qui se dessinent devant lui. Les chapitres sur Marseille sont à la fois pleins d’amour et de réflexion : on n’a jamais mieux rendu, ni d’un trait plus approprié, la beauté de ligne et de lumière de ce golfe de Marseille, cette végétation rare et pâle, si odorante de près, la silhouette et les échancrures des rivages, la Tour Saint-Jean qui les termine, « au couchant, enfin, la Méditerranée qui pousse dans les terres des lames argentées ; la Méditerranée avec les îles de Pomègue et de Ratoneau, avec le château d’If, avec ses flots tantôt calmes ou agités, éclatans ou sombres, et son horizon immense où l’œil revient et erre sans cesse en décrivant des arcs de cercle éternels. » L’histoire civile de Marseille, avec ses vicissitudes et ses reviremens, s’y résume très à fond ; son génie s’y révèle à nu, raconté avec feu par le plus avisé de ses enfants. Marseille, qui se croyait encore royaliste, y est démontrée la cité la plus démocratique du midi ; et, lui promettant dans un très prochain avenir l’union de la richesse et des lumières, l’auteur finit le tableau d’un trait : « Il tient à son sol, à son sang, de tout faire vite, le bien comme le mal. »

Mais je n’aurais pas tout dit de cet écrit presque oublié, et je croirais manquer à ce que le critique doit aux premiers essais de l’auteur