Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 9.djvu/264

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

terrible de l’horizon. Les nuits seules sont toujours belles, le phosphore illumine les flots et fait courir de pâles lueurs dans les ténèbres. Enfin, au loin, une longue crête d’écume se brise sur des sables qui paraissent les laves en fusion d’un immense cratère : c’est le Sahara, la terre africaine. Le vaisseau approche, longe le banc d’Arguin, de lugubre mémoire, et bientôt arrive au Sénégal.

Toute la côte est stérile, aucun arbre ne s’élève, les sables bordent la mer ; aux environs de Saint-Louis, quelques arbustes, indiquant aux marins le cours du Sénégal, rompent seuls l’uniformité de cette plage étincelante. Le Sénégal, dont les sources sont à quatre cents lieues dans l’intérieur, coule perpendiculairement à la côte ; arrivé près de la mer, il tourne brusquement les sables qu’il n’a pu percer, court au sud, et se perd au milieu des bancs que ses eaux et les flots du large rendent toujours mouvans. Le fleuve fait dans sa course de nombreux circuits, mais ses eaux ne fertilisent que la rive gauche, et encore leur influence est-elle tout-à-fait nulle aux environs de Saint-Louis, où les sables livrent passage aux infiltrations de l’Océan. Près de la mer, le fleuve parcourt de grandes plaines à son niveau, l’encaissement des terres ne commence qu’à vingt lieues de l’embouchure, et ne dépasse pas une hauteur moyenne de quinze pieds. Quand on a franchi la barre sur laquelle les navires calant plus de neuf pieds ne peuvent s’aventurer, l’on trouve une profondeur de dix et douze mètres qui se maintient à une distance de quatre-vingts lieues. Les bâtimens pourraient, à l’époque des grandes eaux, remonter jusqu’aux cataractes situées à deux cent soixante-six lieues de Saint-Louis et à cinquante de Bakel ; mais là, toute navigation est interceptée, même pour les embarcations, par un rapide de la plus grande violence. Le fleuve coule lentement ; à partir du mois de juillet, les eaux croissent graduellement jusqu’à la fin de septembre, où elles couvrent les terrains marécageux ; en novembre, l’inondation s’arrête, et le courant redevient tranquille.

Longue de 2,300 mètres du nord au sud-est, large de 180 mètres, l’île sablonneuse de Saint-Louis a une circonférence d’environ 5,000 mètres, et une superficie de 34 hectares. Des quais construits sur pilotis l’entourent ; le sol, primitivement couvert de palétuviers, se refuse à toute culture, et ne produit, avec des engrais, que des légumes sans saveur. Les abords de l’île, du côté de l’est, offrent un excellent mouillage aux bâtimens ; l’autre bras du fleuve est obstrué et descend parallèlement à la mer, dont il est séparé par la pointe de Barbarie, dune aride de 400 mètres de largeur, sur laquelle est bâti le village de Guett’ndar, où vivent les nègres libres sous la protection du gouvernement. La ville présente une étendue de 1,500 mètres, les rues sont larges et bien coupées ; elle est défendue par quelques batteries qui suffisent pour épouvanter les tribus désarmées, mais qui ne pourraient résister à l’attaque sérieuse d’une armée européenne. Des travaux peu dispendieux rendraient cependant le poste inattaquable ; une batterie à Guett’ndar empêcherait