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par des faits victorieux le scandaleux procès de l’avenir réservé à la race noire. Jusqu’ici, le moraliste est resté douloureusement frappé de l’incurable inertie de ces populations partout misérables, même au milieu des champs magnifiques arrosés par des fleuves abondans. De nobles esprits, toujours frustrés dans leurs espérances, se flattaient encore que cette terre désolée sur ses rives, mais quelquefois si belle à l’intérieur, cachait des royaumes comme le Mexique et le Chili en Amérique. Un nom magique surtout, celui de Tombouctou, apporté par les caravanes, chanté par les chameliers, soutenait le courage des voyageurs. Caillé a hasardé sa vie à la recherche de la ville merveilleuse qui devait enfin lever tous les doutes, et il est arrivé à une triste bourgade, assise sur un lac, dans une riante contrée, où tous les trésors de la terre meurent inutiles. Faut-il conclure de là, comme les partisans de l’esclavage, que les organes du nègre sont ceux de la brute, et que l’intelligence n’habite pas son front déprimé ? Qu’est-il besoin de s’attacher aux difformités physiques, à l’exiguïté des cases du cerveau, dont le docteur Gall a fait un si grand abus dans son triste système ? L’horrible oppression dont ce peuple a été victime n’a-t-elle pas suffi à elle seule pour chasser la dernière étincelle du feu sacré qui l’animait ? Qu’a-t-on fait pour le noir ? quel secours a jamais reçu cet être infortuné depuis le jour fatal où le premier forban portugais alla incendier ses cases et ravir ses enfans, jusqu’à notre époque de philanthropie éloquente et stérile ? Agissons et parlons moins ; car, si l’on veut dissiper les doutes qui pèsent encore sur l’aptitude des nègres à une vie meilleure, il faut leur procurer les moyens de s’essayer d’abord aux travaux les plus faciles de l’intelligence. Les douces et simples occupations de l’agriculture exercent sur les mœurs une force d’épuration infaillible. Ne pourrions-nous, à la longue, assurer ainsi notre empire au Sénégal par l’affranchissement moral et politique des nègres ? Ensuite, pourquoi l’effrayante mortalité qui frappe les blancs dans l’intérieur n’engagerait-elle pas la métropole à chercher des colons et des soldats parmi les naturels ? Déjà ceux-ci lui fournissent les facteurs de son commerce aux escales, ainsi que les laptots embarqués sur les navires de l’état pour soulager les équipages. Ici, comme dans tout ce qui a rapport aux colonies en général, l’Angleterre nous donne l’exemple. Les garnisons de Bathurst et de Sierra-Leone, les pilotes de ses : ports sont des noirs choisis et parfaitement dressés, dont la tenue est vraiment remarquable. La supériorité des Yolofs sur les peuplades du bas de la côte nous invite à tenter sur eux une expérience plus décisive ; le dévouement sans bornes qu’ils ont montré dans les guerres de Saint-Louis contre les Maures, les services qu’ils rendent à bord des bâtimens de guerre, où ils égalent les meilleurs matelots, leur affection sincère pour la France, toutes ces qualités auraient dû engager l’autorité à recruter ses troupes coloniales d’après le mode établi dans l’Inde anglaise. Le système des engagés permettrait du reste d’attendre que les indigènes vinssent librement demander du travail sur les habitations, ou leur admission dans la milice. Pour attirer les