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sincère, sans inutiles ménagemens et sans vains détours. Le clergé est un corps ; il a des chefs, une discipline ; la force des philosophes n’est pas là : elle est dans la discussion loyale, mais sincère, sympathique pour les personnes, inflexible pour les idées fausses.


II

Jetons un coup d’œil rapide sur l’histoire de la polémique passionnée, qui, depuis quatre années, occupe et divise la presse, les chambres, le gouvernement, la société tout entière. Nous apprécierons mieux ce qu’il y a de nouveau et de grave dans le manifeste que nous discutons.

Dans cette lutte, quels ont été les agresseurs ? Un certain nombre de membres du clergé qui ont entraîné le corps tout entier. Pourquoi le clergé a-t-il quitté les soins du saint ministère pour se jeter dans les orages de la polémique, pour attaquer tout ensemble les droits de la philosophie et ceux de l’état ? C’est que le clergé a des souvenirs, c’est qu’il a conçu des espérances. L’occasion s’est présentée pour lui de mettre la main sur l’éducation. Une si riche proie a excité si vivement sa convoitise, qu’il n’a pas hésité, pour l’atteindre, à tendre tous ses ressorts, à déployer toutes ses ressources. Il savait que, maître de l’éducation, il pouvait, avec de la persévérance et du temps, le devenir de tout le reste.

Nous sommes convaincu pour notre part que dès l’origine, si ces espérances n’avaient pas été encouragées, si la main de l’état conduite par des yeux plus clairvoyans et dirigée par une volonté plus ferme, eût contenu le clergé, nous n’assisterions pas à ces tristes querelles ; mais le clergé a senti croître son ambition avec la faiblesse du gouvernement, et il n’a entrepris rien moins que d’ébranler à la fois le double principe sur lequel repose notre moderne société.

Deux choses ont donc été attaquées, l’indépendance absolue de la philosophie, l’indépendance absolue de l’état : la philosophie et l’état se sont défendus. Dans la presse, à la tribune politique, au Collège de France, à la Sorbonne, la philosophie a trouvé des interprètes habiles, éloquens, dévoués ; elle a revendiqué ses droits éternels, elle a rappelé ses services, elle a fait reconnaître son indépendance ; elle a attaqué à son tour l’esprit jésuitique, l’esprit ultramontain ; elle a porté un regard sévère sur le clergé, montré la faiblesse de ses apologistes, les lacunes et les défauts de son organisation ; elle a même soulevé d’une main aussi hardie que courageuse le voile qui couvrait l’enseignement