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se raccordent pas, il n’y a pas adhérence, et, enfin, les colonnettes placées dans les angles, les bases et les chapiteaux de ces colonnettes, et toute la décoration de la partie supérieure, sont dans le goût du XIVe siècle le mieux caractérisé. Quant aux jambages des portes, leur décoration, aujourd’hui toute mutilée, mais qui laisse encore apercevoir des traces de coloration très visibles et des feuillages de lierre et de groseiller sculptés avec une étonnante finesse, ne consiste qu’en une sorte de placage incrusté dans la masse d’une maçonnerie évidemment plus ancienne.

Il est à présumer que l’incendie de 1293 porta principalement ses ravages de ce côté de l’édifice ; qu’il n’ébranla ni les clochers ni l’église elle-même, mais qu’il endommagea les portes de la nef, et le porche placé devant ces portes ; que, pour réparer le désastre, on refit en placage et dans le goût du temps la décoration des portes, et qu’enfin, pour prévenir la chute du porche, on éleva ces deux éperons si forts et si saillans. Cette conjecture est confirmée par le passage suivant, d’une bulle du pape Boniface VIII, en date du 17 juillet 1294 : quod quoedam pars Noviomensis ecclesioe, cum claustro et capitulo, ac ornamentis, fuerat casa miserabili concremata. Le pape, comme on voit, n’est pas d’accord avec les moines de Longpont ; il ne parle pas d’un embrasement total, mais seulement d’un incendie partiel, et il indique même par ces mots, cum claustro et capitulo, le côté de l’église qui dut être particulièrement endommagé. En effet, la salle du chapitre et une des galeries du cloître sont précisément situées dans le voisinage du porche. Il nous semble donc hors de doute que l’église ne fut atteinte que dans sa partie occidentale, et nous croyons que, même dans cette partie, si le feu dévora le mobilier, les ornemens, les tapisseries, les vitraux, il ne fit qu’endommager la maçonnerie, et ne donna lieu qu’à de simples réparations ; celles du porche sont seules apparentes aujourd’hui, parce qu’elles furent sans doute les plus considérables. Quant à la salle du chapitre, elle ne dut être également que restaurée : ses profils sont trop fermes, son ornementation trop mâle et trop accentuée, pour qu’elle ne date pas du milieu du XIIIe siècle. Il est plus difficile, à l’égard du cloître, de se prononcer avec certitude : il peut sans doute avoir été reconstruit après l’incendie, mais il conserve sous tant d’aspects le cachet pur du XIIIe siècle, que, malgré ce dessin rayonnant et ces formes un peu compliquées, nous penchons à croire que sa construction peut être antérieure de quelques années à 1293.

Ainsi voilà un premier point éclairci : non-seulement l’église entière n’a pas été incendiée, mais celles de ses parties qui ont subi l’action