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domaine universel, leur lutte est nécessaire, et il est impossible que chacune d’elles ne tende pas à absorber l’autre et à exercer toute seule le ministère spirituel dans son universalité. Nous accordons tout cela ; mais la question est maintenant de choisir entre ces deux méthodes l’une qui consiste, par un mouvement régulier de la science, toujours proportionné à l’état changeant de la société, par le développement interne, la propagation des spéculations philosophiques, par la critique calme, approfondie des institutions religieuses, à étendre chaque jour l’exercice philosophique du ministère spirituel ; l’autre, qui veut engager une lutte violente, exciter les passions, provoquer le renversement d’institutions respectables, utiles, en harmonie avec les besoins et les idées d’une prodigieuse foule d’intelligences, sans savoir comment on contentera ensuite le besoin religieux qui les soutenait, comment l’on remplira l’immense lacune qu’on aura laissée dans les ames.

La question philosophique ici et la question politique sont étroitement unies. N’est-il pas certain, pour tous les hommes éclairés, que les gouvernemens doivent tendre à appeler un nombre de plus en plus grand de citoyens à jouir des droits politiques dans toute leur plénitude ? La question est de savoir s’il convient d’arriver à ce résultat par une éducation politique de plus en plus étendue, par une extension toujours croissante des lumières, en un mot par le mouvement régulier des institutions, ou bien s’il est plus sage d’enflammer les passions populaires, et de conduire le peuple à l’assaut de tout gouvernement qui ne réalisera pas l’idéal désiré. Il n’y a pas la moindre différence sérieuse entre cette question et la précédente ; c’est une question entre l’esprit de sagesse et de progrès d’une part, et l’esprit d’anarchie, de l’autre.

N’avons-nous pas des exemples récens bien propres à nous éclairer ? N’a-t-on pas essayé d’appeler à la fois tous les hommes et à l’indépendance politique et à l’indépendance religieuse ? Et pour ne parler que de celle-ci, n’a-t-on pas essayé, il y a cinquante ans, de se passer de religion, d’y substituer la philosophie ? N’a-t-on pas inspiré au peuple la haine du prêtre ? Ne l’a-t-on pas chassé de la famille, du temple, de l’autel, du pays ? N’a-t-on pas essayé du catéchisme philosophique, de la religion naturelle, de la théophilanthropie, et même de la déesse Raison ? N’est-il pas triste d’être obligé de rappeler aujourd’hui de tels exemples ? Non que nous craignions le retour de ces folies impies, mais à condition que les progrès de la raison publique serviront de leçon aux philosophes, qu’on ne suscitera pas les mêmes passions, qu’on