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qui désigne un évêque, en grec despotis, en slavon vladika, signifie proprement le maître, la source du pouvoir. Si l’état politique s’écroule, le pouvoir épiscopal lui survit et le remplace momentanément. Ainsi, au Montenegro, le vladika est devenu prince temporel ; à Constantinople, le patriarche remplace l’empereur byzantin aux yeux des raïas grecs, qui regardent la cour patriarcale comme le tribunal suprême de leur nation. En Pologne et en Hongrie, le pouvoir des évêques est également très étendu ; mais là ce pouvoir agit contrairement à la loi de son institution. En effet, dans l’Orient vraiment chrétien, le sacerdoce dirige les peuples sans sortir du sanctuaire, tandis que, dans les états essentiellement politiques de Hongrie et de Pologne, l’épiscopat, pour garder son influence sur une aristocratie fougueuse et superbe, est contraint d’aller s’asseoir au milieu de la diète, sur les bancs même de la société politique. Il a dû perdre ainsi beaucoup de la pureté de son caractère, et c’est ce que prouve en effet l’histoire des feux royaumes hongrois et polonais.

L’église étant, chez les Gréco-Slaves, la seule souveraine absolue, c’est par elle seulement que l’état devient inviolable ; c’est au nom de l’église seule qu’il peut exiger de ses sujets les derniers sacrifices. Est-il donc étonnant que chez ces peuples tout état regarde la défense de l’église comme son plus sacré devoir ? De là cette clause de l’article 1er de la charte hellénique : le prosélytisme est interdit en Grèce contre la religion nationale, c’est-à-dire qu’on ne peut convertir aucun citoyen grec à un culte étranger, bien que toutes les religions indistinctement soient tolérées dans le royaume. La charte serbe contient une clause analogue ; il en est de même pour la charte polonaise du 3 mai, qui va jusqu’à maintenir les peines terribles de l’ancien droit polonais contre l’apostasie. Plus le Gréco-Slave accorde de garanties et de solidité à la partie spirituelle de son gouvernement, moins il est disposé à en accorder à la partie purement politique. La royauté, comme nous la comprenons, avec son inviolabilité absolue, n’existe pas pour lui ; la paternité forme à ses yeux la seule souveraineté civile qui soit de droit divin et ne dépende de personne. Les droits du père, en Orient, n’ont d’autres limites que celles que leur assigne, non pas l’état, mais la loi religieuse. Chez ces peuples, l’omnipotence de la paternité se fonde sur l’idée que, la vie du père étant un continuel sacrifice en faveur des enfans, il serait imprudent d’imposer à ce sacrifice tout spontané son mode d’existence. Le père n’abrége-t-il pas sa vie par le travail en faveur de ses enfans ? ne déchire-t-il pas, comme l’oiseau mythologique, ses propres entrailles pour nourrir sa famille du fruit de ses