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comme l’église est solidaire de l’état ; le roi dépendant du peuple, comme le peuple dépend de son roi ; le député responsable pour tous ses votes devant ses électeurs ; le droit électoral étendu à la presque totalité des citoyens, et octroyé non par l’état, mais par la commune, d’après la moralité reconnue, et non d’après la quotité d’impôts versée dans les caisses du fisc ; l’absence du prolétariat, puisque le pauvre, pourvu qu’il soit libre et membre d’une famille indigène, jouit des mêmes droits politiques que le riche ; l’absence enfin du paupérisme, puisque, les individus n’étant point isolés comme chez nous, le pauvre trouve au besoin l’appui assuré de la famille ou de la commune dont il est membre. La société a ainsi gardé toutes ses harmonies chez ces peuples restés fidèles aux mœurs de la nature, et quoiqu’ils n’aient ni police secrète, ni bureaucratie, ni centralisation, leurs instincts d’ordre et d’union les protègent, et font que tous les citoyens d’un état deviennent spontanément, aux jours de péril ou d’honneur, comme les membres d’un même corps.

Nous connaissons maintenant les institutions des Gréco-Slaves et les chartes que ces peuples se sont données quand ils ont pu agir en liberté ; mais un adversaire terrible les paralyse et contremine leurs efforts : cet adversaire, c’est le système impérial des tsars. Il n’est pas sans intérêt d’examiner en quoi les institutions civiles de la Russie s’éloignent de l’organisation des autres sociétés gréco-slaves ; ce parallèle peut aider à former des conjectures sur les révolutions intérieures dont le monde gréco-slave doit tôt ou tard devenir le théâtre.


III.
DES INSTITUTIONS RUSSES MODERNES, COMPAREES AUX INSTITUTIONS NATURELLES DES GRECO-SLAVES

Le système organique des Gréco-Slaves étendait autrefois son action même sur la Russie, en y revêtant, il est vrai, des noms et des formes adaptés aux lieux, mais sans rien perdre de l’esprit d’indépendance qui lui est essentiel. Quelle cause l’a fait disparaître si complètement du sol russe ? Nulle autre, suivant nous, que les invasions étrangères. La nécessité d’une discipline sévère et d’une justice terrible, pour résister d’un côté aux Mongols, de l’autre aux Polonais, avait déjà fait investir les premiers tsars de la dictature militaire. Après avoir chassé la liberté des camps, ils la chassèrent bientôt des cités, sous prétexte qu’elles étaient assiégées, mais ils ne purent encore constituer