Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 9.djvu/46

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

voûte et le monument ont été faits en même temps, et lors même qu’ils seraient évidemment contemporains, ce ne sera pas toujours un motif pour que le monument appartienne nécessairement à l’époque de transition. En effet, l’emploi de l’ogive dans les voûtes et surtout dans les grands arcs doubleaux qui relient, même lorsqu’il n’y a pas de voûte, les deux parois de la grande nef à son extrémité vers le point d’intersection, peut remonter aux époques les plus reculées. .Ainsi dans la grande église de Saint-Front, à Périgueux, église dont la construction ne saurait être postérieure aux premières années du XIe siècle, et qui est probablement plus ancienne, les vastes coupoles suspendues sur la nef et sur les transsepts sont soutenues par quatre grandes ogives construites évidemment en même temps que le reste de l’église. Je défie qu’on découvre dans tout ce monument la moindre tendance aux idées novatrices, le moindre reflet de transition ; ce n’était donc pas pour obéir à une mode nouvelle que ceux qui construisaient ces grands arcs, au lieu de les terminer par un cintre parfait, les brisaient à leur extrémité supérieure, c’était pour chercher un moyen de construction qui leur offrît plus de chance de solidité. Les Romains, sans doute, auraient dédaigné cet expédient lorsque, passés maîtres dans l’art de construire, ils élevaient avec tant d’audace les arcs et les voûtes semi-circulaires de leurs grandes salles de thermes ; mais de telles traditions, une fois perdues, ne s’improvisent pas, et des artistes à demi barbares, voulant lancer aussi des voûtes et des arcades sur de vastes vaisseaux, devaient procéder avec plus de prudence et chercher dans l’arc brisé un moyen plus sûr d’accomplir leur entreprise. De là ce grand nombre de monumens à plein cintre, dont la partie supérieure se termine en ogives rarement très aiguës, quelquefois même assez peu sensibles pour que, du sol de l’édifice, il soit difficile de ne pas les prendre pour des pleins cintres, monumens évidemment antérieurs, et par leur date et par leur caractère, à toute tentative de rénovation de l’architecture. Nous croyons que ces exemples prématurés de l’ogive doivent être à peu près comme non avenus pour qui cherche sincèrement à fixer les premières limites de l’époque de transition. Ce ne sont évidemment pas là les débuts de la nouvelle architecture ; on aurait pu continuer ainsi de siècle en siècle à employer l’ogive dans les voûtes sans que le style à ogive proprement dit eût jamais pris naissance ; d’où il suit, nous le répétons, que même quand il est prouvé qu’une voûte à ogive est contemporaine du monument auquel elle appartient, ce n’est pas un signe suffisant pour classer ce monument dans l’époque de transition. Nous ne voulons pas dire que les édifices