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chinoise soumise à la double action des lois civiles et religieuses ; le gouvernement, le culte, la famille, s’y montrent dans tous les détails de l’organisation traditionnelle. Enfin le grand lettré, puisant aux sources antérieures, se livra pendant vingt années aux recherches historiques, et composa en cent chapitres ses Annales impériales (Chou-king). Là, il saisit dans leur ensemble les principes du gouvernement et les fondemens du droit public. À cette époque, la Chine comptait déjà dix-huit siècles d’existence incontestable, depuis Yao (2357) jusqu’à l’auteur du Chou-king (551 avant notre ère). Sous les deux premières dynasties, il existait deux historiens : celui de la gauche, chargé de recueillir les paroles, les édits de l’empereur ; celui de la droite, qui enregistrait les évènemens, les faits dont il était utile de conserver le souvenir. Sous les Tchéou, l’empire, mieux affermi, eut sept historiographes, parmi lesquels figuraient des savans. Ils s’occupaient des sciences, des pays étrangers, des expéditions faites contre les nations voisines, des phénomènes, des calamités publiques. Tout ce qui se passait dans l’étendue des contrées avec lesquelles la Chine avait des rapports s’ajoutait à cette encyclopédie progressive dont l’histoire des empereurs était le noyau. Ce furent ces matériaux immenses qui servirent à Confucius pour établir ses annales, où l’empire se développe graduellement avec ses lois et sa constitution discutées, approfondies, expliquées au grand jour.

On le voit, Confucius fut plus moraliste que philosophe ; fidèle au culte de l’antiquité qu’il acceptait tout entière, il n’eut point la prétention de fonder une école, encore moins celle de se placer à la tête d’une secte religieuse. Les Chinois, d’ailleurs, peuple patient et laborieux, ne sont guère doués de cet enthousiasme fanatique qui précipita les Arabes sur les pas de leur prophète ; ils nous donnent une juste idée de leur sage en l’appelant le saint homme. Ajoutons aussi que le rôle de Confucius est à peu près unique dans l’histoire ancienne ; la comparaison pèche par un point essentiel quand on le présente comme le Socrate de la Chine. Confucius n’eût pas été condamné par les juges d’Athènes à boire de la ciguë, parce que sa doctrine ne s’attaquait point aux dieux ; il respecta et suivit la religion qui était alors, comme elle le fut depuis, la religion de l’état. Si les persécutions l’atteignirent, c’est que son intégrité comme ministre, la hardiesse de ses paroles, le mettaient en opposition directe avec ses collègues, et irritaient une cour corrompue dont il blâmait les excès au nom de la morale et des lois de l’antiquité.

Lao-Tseu (né l’an 604 avant Jésus-Christ, c’est-à-dire cinquante-