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le pouvoir aux mains des généraux. Il fallut que la Chine subit le despotisme militaire, qu’elle fût divisée en trois royaumes, qu’elle arrivât au dernier degré de misère et d’affaissement, qu’elle se purifiât par de rudes épreuves avant de reparaître avec tout son éclat, et de reprendre son influence dans l’Asie orientale.


II.

Jusqu’ici, la nation chinoise, fidèle à deux croyances qui lui sont propres, n’a puisé qu’en elle-même les élémens de sa civilisation. Les deux écoles de philosophie qui la guident ou l’égarent, les sages et les rêveurs qui la ramènent dans la voie de la tradition ou l’entraînent vers des illusions trompeuses, sont nés de son sein et n’appartiennent qu’à elle. Cependant combien de modifications déjà dans son existence Les conquêtes, les expéditions lointaines, ont mis la Chine en communication avec les peuples voisins ; les révolutions du palais, les guerres civiles, ont altéré l’organisation intérieure. Le culte de l’antiquité s’affaiblit dans l’empire ; il y a au fond des esprits un vague désir, un besoin inquiet de connaître, et jusqu’à un certain point d’adopter les doctrines étrangères. De toutes les contrées environnantes, c’est l’Inde qui réagit le plus fortement, et la première, tant par elle, même que par l’exemple plus voisin des peuples qui ont embrassé ses dogmes réformés ; c’était le seul endroit aussi par où la. Chine pût recevoir les exemples d’une civilisation quelconque.

L’an 65 de Jésus-Christ, sous le règne de Ming-ty des Han, prince éclairé, qui montra autant de respect pour la mémoire de Confucius que de zèle pour la propagation de la doctrine du moraliste, la première statue de Foë avait été élevée en Chine[1]. La religion bouddhique, solennellement inaugurée par cet éclatant hommage rendu à son fondateur, fut persécutée d’abord dans la personne du prince de Tchou ; ce turbulent vassal, qui conspirait contre l’empereur, après avoir demandé des encouragemens aux Tao-sse, adorait un dieu nouveau, dont il attendait, pour prix de son zèle, la réussite de ses

  1. Déjà les statues de Foë ou Bouddha avaient été apportées en Chine et placées dans les temples, à la suite des conquêtes sur les Hiong-nou ; était-ce comme trophées ou comme statues d’un dieu qu’on devait désormais honorer ? Cette question mérite d’être approfondie ; nous suivons ici l’opinion commune qui place à l’an 65 de notre ère l’introduction officielle de cette religion étrangère dans l’empire.