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comme plus tard les souverains de la dynastie mandtchou appelèrent à leur cour les missionnaires catholiques en pareille occasion. Cent quarante ans après ce premier édit, qui ouvrait de force aux religieux bouddhiques la porte des monastères, il fallut s’occuper de réformes plus violentes, tant les abus étaient devenus exorbitans sous les successeurs de Hiuen-tsoung. Cette fois, ce fut la secte des Tao-sse qui poussa l’empereur Wou-ti à persécuter une religion de plus en plus populaire. Les pagodes publiques et particulières durent être démolies, excepté deux que desservirent trente bonzes seulement, et dont l’état paya l’entretien. Les temples détruits dans les villes montaient à plus de quarante mille six cents, et ceux de la campagne à quarante mille. Le nombre des bonzes et des bonzesses qu’on avait renvoyés dans leurs foyers était de deux cent soixante mille cinq cents[1]. Le même empereur, si empressé de détruire les idoles, de rendre à la vie publique et à la famille les religieux des deux sexes, de supprimer les monastères, dont il confisquait les biens au profit du trésor, abrégea ses jours en buvant trop de ces breuvages merveilleux par lesquels les docteurs du Tao lui promettaient de le faire revenir à une jeunesse éternelle. Cette faveur des Tao-sse se continua sous le règne suivant ; le successeur de Wou-ty partagea ses faiblesses, donna dans les mêmes folies, et périt de la même manière, à peu près empoisonné par les drogues des docteurs célestes. On procédait par réactions ; le caprice du souverain avait plus de part que l’équité et la raison à ces changemens ; si on évitait un excès, c’était pour tomber dans un autre. Les lettrés élevaient la voix en faveur des anciennes doctrines, souvent méconnues ; mais les empereurs s’affranchissaient de leur tutelle, et se laissaient aller à ces penchans particuliers que favorise la toute-puissance.

Les premiers Tang avaient ranimé dans leurs états le goût des lettres ; ils avaient donné une nouvelle impulsion aux études classiques, rétabli les collèges, fondé des académies. Les sciences exactes firent de véritables progrès, et la poésie, représentée par Tou-fou et Li-tai-pe, eut ses régulateurs ; mais, tandis que les lettrés plaidaient leur propre cause et celle de la tradition, tandis qu’ils révisaient et élucidaient les ouvrages canoniques, tandis que les académiciens se montraient comme les interprètes et les continuateurs de la philosophie de Confucius, les sectaires hétérodoxes fortifiaient aussi leurs doctrines

  1. Histoire générale de la Chine, p. 489.