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valu des pages sémillantes et fraîches, toutes jetées négligemment dans des coins de journaux, et qui, recueillies, composeraient un livre charmant. Un universitaire est contraint de mesurer humblement se plaisirs à sa bourse : M. Girardin ne fit d’abord que des courses peu lointaines ; il vit la Belgique, la Suisse, les bords du Rhin ; puis bientôt, avec ses économies des Débats, il put visiter l’Italie et séjourner à Berlin. Des traces ingénieuses de ces excursions diverses se retrouvent souvent dans ce qu’écrit M. Saint-Marc. C’est un esprit à qui tout profite ; chez lui, le voyageur sert le lettré, comme le journaliste servira l’homme politique.

1826 fut une année active pour M. Saint-Marc Girardin : il retrouva ses fonctions universitaires, il débuta dans un cours public, il s’essaya à la polémique littéraire. C’est M. l’évêque d’Hermopolis qui, après trois années d’interruption, le réintégra dans l’enseignement, en lui confiant la place de professeur-agrégé de seconde au collége Louis-le-Grand. Mais il y a loin d’une classe à un amphithéâtre, et M. Saint-Marc ne manqua point la première occasion qui lui vint de s’adresser à un autre public. On sait qu’à cette époque les cours de la Société des Bonnes-Lettres avaient une couleur semi-politique : M. Girardin, qui alors ne faisait pas de politique, ne se crut nullement engagé en acceptant les offres avantageuses qu’on lui fit, par l’intermédiaire de M. Roger, avec lequel il se trouvait en relation. Il donna donc un cours sur la littérature de la renaissance, comme M. Patin en donnait un sur les tragiques grecs. Au lieu de lire un discours d’apparat, le jeune débutant n’hésita pas à improviser dès sa première entrevue avec l’auditoire. Cette parole agile, fluide, perçante, surprit et charma ; moins animées, les leçons suivantes n’eurent pas le même mordant, mais on sait si M. Saint-Marc s’est retrouvé depuis. La Sorbonne alors touchait presque à sa gloire, et, quoique M. Guizot et M. Cousin se tussent encore, M. Villemain préludait, par sa merveilleuse parole de professeur, à cet enseignement sans exemple que la France entière allait écouter, et qui fut comme l’école de l’esprit public. Il semble difficile que le cours d’un jeune inconnu et surtout un cours particulier ait pu être remarqué au milieu de cet éclat ; pourtant l’opinion éveillée était alors attentive à tout : elle distingua le langage à la fois serein et ému de M. Jouffroy, comme l’improvisation spirituelle et pétillante de M. Girardin. Tous dirent que M. Villemain avait un disciple, et que ce disciple pourrait devenir un émule.

Sans se compromettre nulle part, M. Girardin était devenu orateur dans la chaire monarchique des Bonnes-Lettres, il devint critique dans