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par les traits de sa conversation que par la prose finement subtile de ses articles. M. de Salvandy lui-même, qui avait un instant continué M. de Chateaubriand, n’était plus tout-à-fait aussi assidu. Souvent M. Bertin l’aîné en était réduit, pour son service de tous les jours, aux rédacteurs qu’il avait plus directement sous la main, à M. Duvicquet, dont les premier-Paris (grace à la passion politique) paraissaient un peu moins communs que les feuilletons, et à M. Béquet, qui, à la chute du ministère Martignac, eut les honneurs d’un procès célèbre. Dans cette situation, le concours actif de M. Saint-Marc et de M. de Sacy fut une bonne fortune pour les Débats, comme leur accession aux Débats fut une bonne fortune pour les deux écrivains. Outre toute la verve qu’il n’a cessé d’y semer en prodigue, M. Saint-Marc Girardin a eu dans la presse politique une originalité qu’on ne lui saurait contester : l’un des premiers il a introduit dans les discussions politiques ce ton de la causerie, cette simplicité de bon goût qui souvent sont la meilleure langue des affaires. Et ce qu’il y a de remarquable, c’est qu’il ne chercha pas après sa manière, c’est qu’il eut tout de suite, dans ces controverses, une aisance et un naturel qui semblaient venir de vocation.

Lors de l’avènement du dernier et insensé ministère de Charles X, les attaques de la presse redoublèrent de vigueur ; chaque numéro de journal était un appel frémissant aux passions du pays, chaque article respirait une émotion sincère, parce que, convaincu, on était sûr de convaincre. La moindre étincelle faisait gronder la foudre dans cette atmosphère électrique. Le 10 août 1829, on avait saisi les Débats, à cause des quelques lignes de M. Béquet, qui se terminaient par la phrase connue : malheureuse France, malheureux roi ! Poursuivi et bientôt condamné, le journal ne recula pas : cinq jours après l’article de M. Béquet, un article de M. Girardin paraissait, bien autrement hardi, et dans lequel la trinité ministérielle était triplement marquée de son passé comme d’un stigmate ; M. de Polignac s’appelait Coblentz, M. de Bourmont s’appelait Waterloo, M. de Labourdonnaye s’appelait 1815. L’objurgation, l’apostrophe, la moquerie, le dialogue, les formes les plus animées du langage se succédaient avec entraînement. La polémique devenait une sorte de drame. On liait ces malheureux ministres à leur passé, comme les chrétiens que leurs persécuteurs attachaient à un cadavre ; en les poussait aux abîmes des coups d’état, en leur disant : « Savez-vous qu’il y pourrait périr encore des trônes et des dynasties ? » C’était annoncer la prochaine révolution. M. Girardin avait raison de le dire, à armes égales, l’opposition