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après elle. En tout, M. Saint-Marc a la vue nette et pratique des choses. Dans ce qui regarde les appréciations purement littéraires, il y aurait sans doute bien des vues à redresser, plus d’un tableau à compléter ; mais l’ensemble avait et a gardé un tour animé qui séduit, des proportions heureuses dans leurs limites. Le croquis est vivement tracé, et il plaît. Ce qui donne surtout du prix à ce petit livre, c’est la sagacité avec laquelle M. Girardin a mis en relief le caractère de cet esprit, libre penseur et cependant mesuré, plus riche qu’un autre en idées propres à tous les hommes, de cet esprit persistant qui s’égare parfois et se transforme, mais qui finit toujours par se retrouver et se reconnaître. Certes c’est bien là l’esprit français, et il était ingénieux de suivre à la piste sa trace à travers les capricieux détours du XVIe siècle. Toutefois, on a depuis un peu trop abusé de cette vue, et il se trouve qu’à force de parler de l’esprit français, on finit par omettre l’esprit humain. De ce temps-ci, l’excès du patriotisme n’est à craindre qu’en littérature.

Les succès d’académie ne suffirent pas plus que la politique à absorber la plume active de M. Girardin. Cette plume se réservait encore pour l’examen courant des ouvrages parus, pour quelques vives et curieuses études d’érudition littéraire que son instinct de critique désignait à. M. Girardin, et auxquelles il s’arrêtait le temps juste d’en prendre la fleur. Aux Débats, durant ces années si bien remplies, on le trouve parlant, de tout à merveille et sans difficulté : il arrive sans fatigue et semble repartir plus dispos ; c’est un charme pour lui de courir d’une aile à l’autre ; la variété le distrait, le contraste l’amuse ; il se jette sans peine à l’endroit le plus sérieux, et en ressort prêt à badiner ; sa souplesse d’esprit le tire de tout. La fantaisie même ne lui déplaît pas par occasion, et il profite sans retard de sa première étude de l’allemand pour donner à la Revue de Paris d’élégans extraits d’Hoffmann, qui, eurent le mérite de venir avant la traduction excellente, de M. Loève-Veimars. Cette faculté d’appropriation diverse et immédiate, ce don de s’attaquer aux matières les plus disparates, cet art enfin qui se multiplie à plaisir et se fait un jeu des apprentissages, voilà encore quelques-unes, des qualités, significatives qui rendirent à M. Girardin toutes les routes, abordables et faciles. On eût dit, en ces années fécondes que l’exercice continu ne faisait que renouveler ses forces ; aussi, sans compter, le Journal des Débats, le trouve-t-on mêlé à toutes les jeunes entreprises, un peu à la Revue française, dont l’éclat sérieux ne devait durer qu’un instant, beaucoup à la Revue de Paris, qui commençait alors la longue carrière qu’elle a fournie. Enfin il était