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temples, dans lesquels ils pouvaient célébrer les cérémonies de leur culte.

Le plus renommé de ces temples fut l’Hellenium, à la construction duquel contribuèrent les ioniens de Chios, de Téos, de Phocée et de Clazomènes, les Doriens de Cnide, d’Halicarnasse, de Phasélis et de Rhode, les Éoliens de Mitylène. D’autres temples furent bâtis par les Éginètes à Jupiter, par les Samiens à Junon, par les Milésiens à Apollon[1].

Hérodote ne dit point en quels lieux tous ces temples furent élevés ; il est assez vraisemblable que ce fut dans la Basse-Égypte. Cependant rien n’empêche de croire que les Grecs n’aient eu, dès l’origine, la permission d’en élever partout où ils purent former des établissemens considérables. Nous avons la preuve qu’ils allèrent de bonne heure se fixer jusque dans la Haute-Égypte, et même dans la Grande-Oasis, ou l’Oasis de Thèbes. Selon Hérodote ; cette Oasis était possédée de son temps par des Samiens de la tribu AEschrionie[2] : les commentateurs ont élevé des difficultés imaginaires sur ce nom de tribu, dérivé du nom propre si connu AEschrion, ce qui, du reste, importe assez peu ; mais ils semblent n’avoir pas aperçu tout ce qu’a de remarquable cet établissement des Grecs dans le désert à l’ouest de Thèbes. L’historien fait même assez clairement entendre que l’Oasis était exclusivement peuplée par les Simiens, ou du moins que ceux-ci en étaient les principaux habitans.

Dans les deux cas, on voit que l’esprit aventureux et commercial des Grecs avait senti de bonne heure l’importance d’une colonie placée sur la route des caravanes venant du Darfour et du Khordofan. Les Égyptiens, sur les pas des Grecs, s’y portèrent en grand nombre ; leur population y devint considérable, et finit par absorber la race grecque, car il n’en pouvait être de cet établissement lointain, ni de ceux qui furent alors formés dans la Haute-Égypte, comme de Naucratis, dont la population, toujours en contact avec les négocians de la Grèce, conserva son caractère primitif. Dans l’intérieur de l’Égypte, la race grecque, s’altérant par les alliances, dut se fondre peu à peu dans la population égyptienne, et disparaître tout-à-fait sans laisser de traces distinctes. Il faut même que de très bonne heure les usages grecs y aient été étouffés par les usages nationaux, puisqu’on n’a trouvé dans l’oasis de Thèbes aucune ruine qui puisse se rapporter à

  1. Herod., II, 178.
  2. Id., III, 26.