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cabinet des antiques (salle du zodiaque), dont les hiéroglyphes sont sculptés avec une exquise délicatesse. La bibliothèque publique de Cambridge possède un superbe torse de basalte trouvé à Saïs, portant le nom de ce prince[1]. La beauté du travail de ce monument démontre que l’art égyptien n’avait pas plus déchu à cette époque que le principe religieux ne s’était affaibli, puisqu’il produisait d’aussi grandes choses que par le passé. On le trouve encore tout puissant sous le règne d’Amasis, quelques années avant l’arrivée des Perses.

Le prédécesseur de ce prince, Apriès, continuant la politique de Psammitichus et de Nechos, avait porté ses forces du côté de la Méditerranée. Il vainquit sur mer les habitans de Chypre ; mais, selon Hérodote, Amasis est le premier roi d’Égypte qui ait conquis cette île, et l’ait forcée à lui payer tribut. On s’attend bien à ce que ces princes, mêlant leur politique avec celle des Grecs, au point de leur permettre d’établir des temples sur le sol de l’Égypte, leur donnèrent d’autres marques de cette tolérance religieuse.

En effet, le fils de Psammitichus, Nechos, envoie et consacre à l’Apollon des Branchides, près de Milet, le vêtement qu’il portait pendant son expédition de Syrie[2]. Cette offrande a paru fort invraisemblable ; et l’on a cru qu’Hérodote s’est trompé ; mais d’abord on en trouve naturellement le motif dans les services que les Ioniens avaient rendus à ce prince dans la guerre syrienne. Ensuite, pour être en droit de rejeter le fait, il faudrait qu’on n’en pût citer aucun autre analogue. Or, il n’est pas possible d’oublier qu’Amasis, qualifié par Hérodote de φιλελλην avait épousé une femme grecque de Cyrène, Ladicé, fille de Battus, d’Arcesilas ou de Critobule, très probablement de la race royale. On sait de plus qu’après l’incendie de leur temple, les Delphiens, taxés à 75 talens (412,500 fr.), ayant fait une quête de ville en ville pour subvenir à cette dépense, Amasis contribua à cette œuvre pieuse en leur donnant mille talens d’alun, ou environ 25,000 kilogrammes pesant, dont la vente devait être pour eux d’un produit considérable. Le même Amasis fit déposer d’autres offrandes dans les temples des Grecs ; à Cyrène, il envoya une statue dorée de Minerve, avec son portrait peint au temple de cette déesse ; à Lindos, dans l’île de Rhode, il consacra deux statues de pierre et une cuirasse de lin admirablement tissue ; ce temple passait pour avoir été fondé par les filles de Danaüs à leur sortie de l’Égypte ; et sans

  1. Yorke et Leake, les Principaux Monumens égyptiens du Musée britannique, etc. ; Londres, 1827, p. 17 et pl. XIII.
  2. Herod., II, 159.