Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 9.djvu/600

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nous le pensons, à la cause libérale. Lors du soulèvement d’Almeïda, M. da Costa-Cabral, qui voulait faire croire à une coalition entre les septembristes et les miguélistes, fit arrêter M. Beirao, et ce n’est pas une des moindres fautes de son gouvernement.

A son tour, le parti libéral se divise en quatre fractions, bien nettement séparées par les principes : les radicaux de l’Arsenal, à qui la révolte d’un régiment, levé parmi les ouvriers de l’arsenal, a donné ce nom retentissant ; — les constitutionnels de 1820, qui, au-dessus de tout, élèvent la souveraineté du peuple, rêvant l’alliance impossible de la république et de la monarchie, mais disposés à faire bon marché de la monarchie ; — les constitutionnels de 1838, ou les septembristes, dont les opinions sont à peu près identiquement les mêmes que celles des progressistes espagnols ; — les partisans de la charte octroyée par dom Pedro, tant de fois abolie et restaurée depuis sa promulgation, et que M. da Costa-Cabral a remise en vigueur. Les chartistes sont avant tout préoccupés de donner à la royauté l’éclat et la force, et, en un pays si attardé encore dans les voies constitutionnelles, on ne pourrait guère leur en faire un sérieux grief, si, par les progrès moraux et matériels, ils dédommageaient réellement leur pays de ce qu’ils lui ôtent en fait d’institutions libérales. Telle est en Portugal la question aujourd’hui brûlante ; nous essaierons de la résoudre quand le moment sera venu d’apprécier les mesures financières et les actes diplomatiques de M. da Costa-Cabral.

Les constitutionnels de 1820 et les radicaux de l’Arsenal sont très peu nombreux à l’heure qu’il est, et nous ne croyons pas que l’on ait beaucoup à craindre, pour l’ordre et la tranquillité du royaume, des projets de ceux qui ont pu conserver encore leurs illusions. Aujourd’hui la question est posée entre les chartistes et les septembristes, qui, par une discussion ardente, incessante, dans les chambres et dans la presse, se disputent le gouvernement. Dans l’opposition qui entreprend de renverser M. da Costa-Cabral, le parti septembriste forme la tête ; il a pour chef un homme de talent et de courage, M. Manoel Passos, qui en tout autre pays, si grand et si avancé qu’on le suppose, exercerait une réelle influence. M. Manoel Passos a été le ministre de la révolution de septembre ; tous les partis reconnaissent qu’il a dirigé le mouvement de façon à prévenir les excès où il aurait pu entraîner. M. Passos a gouverné sans rigueur comme sans faiblesse ; parmi ses plus déterminés adversaires, il n’en est pas un qui ne rende hommage à sa probité, à la douceur de son caractère, pas un dont il ne se fasse, par ses excellentes manières, sinon un partisan, du moins un ami. Profondément dévoué aux idées libérales, ardent champion de la liberté de la presse et des garanties individuelles, M. Passos a le grand tort, quand il est au pouvoir, de chercher un peu trop à gouverner par la seule force des principes, comme si en Portugal l’esprit public était aussi formé, aussi élevé qu’en France ou en Angleterre ; son éducation d’homme d’état sera complète le jour où il aura bien compris que c’est surtout par les améliorations d’intérêt