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les miguélistes ne se mêlaient plus aux querelles publiques : c’étaient les vainqueurs eux-mêmes qui, selon l’usage, devaient après leur triomphe se diviser et se disputer le terrain. Alors s’ouvrit la singulière et dramatique lutte des deux chartes qui en est aujourd’hui à sa septième ou huitième phase, et dont il est encore bien malaisé, pour ne pas dire impossible, de prévoir l’issue. A chacun des épisodes qui ont marqué cette lutte sanglante, M. de Bomfim a joué un des premiers rôles. Rappelons en quelques mots comment il est, depuis 1836, intervenu dans les collisions des partis : c’est le meilleur moyen de faire comprendre de quels principes il s’est tout récemment constitué le champion. Vers le milieu de 1837, M. de Bomfim et M. de Sà da Bandeira furent chargés de comprimer la révolte des maréchaux, MM. de Terceira et Saldanha, qui avaient essayé de restaurer la charte ; c’est durant cette expédition que leur fut adjoint, en qualité de commissaire, par les cortès, M. da Costa-Cabral. En 1838, l’Arsenal avant levé dans Lisbonne même l’étendard de l’insurrection, M. de Bomfim reçut également mission de les réduire. Entre les fractions extrêmes des deux partis, entre les chartistes et les ultra-septembristes, M. de Bomfim occupe donc, on le voit, une position exactement intermédiaire ; il est un des chefs les plus respectés de ce tiers-parti qui fait la vraie force de la nation actuelle, qui en janvier 1842, s’il eût été libre, se serait de lui-même empressé de réviser, au profit du principe monarchique, la constitution de septembre, tout en y maintenant les garanties essentielles. A trois reprises différentes, M. de Bomfim a été ministre, les deux premières fois après le coup de main avorté des maréchaux, la seconde fois après la révolte des Arsenaleiros. A chacune de ces trois époques, M. de Bomfim n’a été appelé au conseil que pour en finir avec une situation extrême, et pour essayer de rallier autour du trône les hommes vraiment modérés des deux partis ; il n’a jamais cherché à gouverner que par l’esprit de conciliation et de tolérance : tels étaient également les mobiles et les tendances de M. Sà da Bandeira, qui en 1837 présidait le premier ministère dont ait fait partie M. de Bomfim. C’est à M. de Bomfm que M. da Costa-Cabral doit son premier portefeuille : dans le cabinet de coalition du mois de novembre 1839, où M. da Fonseca Magalhâes représentait le parti chartiste, M. da Costa-Cabral siégeait au nom des septembristes exaltés, en dépit des allures douteuses qui déjà donnaient l’alarme à ses anciens amis.

En essayant ainsi de pratiquer une vraie politique de conciliation, M. de Bomfim poursuivait une illusion généreuse : deux fois les évènemens se sont chargés de lelui démontrer. En 1841, M. de Bomfim, faiblement soutenu par les chartistes et les septembristes modérés, rudement attaqué par les fractions exaltées des deux partis, ruiné au palais par le roi dom Fernando, M. Dietz et leurs courtisans, frondé à la ville par M. de Drummond, se vit contraint de se retirer laissant derrière lui dans le cabinet cette rivalité de M. de Magalhâes et de M. da Costa-Cabral, qui bientôt devait pousser celui-ci à faire son pronunciamiento du 27 janvier 1842 à Porto. Si agités, du reste, si violemment éprouvés qu’aient été les trois ministères de M. le comte