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poème, et le preux chevalier dont on s’est accoutumé à dessiner la brillante silhouette sur des mots heureux et des aventures galantes, il reste pour la postérité un prince d’autant de jugement que de courage, aussi propre aux transactions qu’à la guerre, aussi habile à résister à ses amis qu’à triompher de ses adversaires. Marchant vers son but avec une rare persistance, sachant entretenir le dévouement des siens sans leur en payer jamais le prix au préjudice de ses intérêts, combinant enfin tous les profits du calcul avec toutes les séductions de la spontanéité, Henri IV était l’homme le plus propre à maîtriser cette société dissolue, qui, long-temps exploitée par des médiocrités ambitieuses, ne pouvait manquer, ne fût-ce que par lassitude, de se reposer sous la main du plus persévérant et du plus habile.

La royauté n’avait été jusqu’à lui que le couronnement de l’édifice social ; Henri s’efforça d’en faire la base même de la société française, et prépara presque toutes les choses accomplies sous son successeur. À l’avènement du premier prince de la maison de Bourbon se rattache la chute du régime municipal, qui avait fait la force de la ligue, et la prépondérance de la noblesse de cour, sur laquelle s’était appuyé le monarque pour combattre la bourgeoisie et le clergé, étroitement associés dans une résistance commune.

À ce règne remonte enfin le nouveau droit public européen qu’on entreprit de fonder sur l’équilibre des puissances, lorsqu’il devint nécessaire de suppléer par des combinaisons dynamiques à la pensée qui, après avoir constitué la chrétienté, venait de succomber sous la réforme. Cette époque marque donc la fin de beaucoup de choses et le commencement de beaucoup d’autres. Il y a toujours profit à l’étudier, lors même qu’on n’espérerait pas l’éclairer par des documens nouveaux. Je veux en retracer rapidement l’esquisse, afin de juger à son origine même la conception politique du chef de la maison de Bourbon ; je veux surtout rappeler sous quelles influences se développa le grand mouvement qu’il fut donné à Henri IV de régler et de contenir.

La monarchie s’était transformée depuis que la maison de Valois présidait aux destinées de la France. Les rois avaient conquis leur couronne à la pointe de l’épée, en ce sens du moins que ce n’était plus du siége lointain de leurs souverainetés indépendantes que les grands vassaux menaçaient l’impuissant suzerain. Les incidens de la longue guerre qui avait assuré l’indépendance nationale au XVe siècle, les entreprises habilement machinées de Louis XI et l’extinction de la plupart des anciennes maisons princières, avaient fait passer aux mains