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réformés des stipulations favorables et d’assurer la paix du royaume, tandis que celle-ci n’a jamais été plus troublée par les attentats particuliers et les agressions des partis. Menacé par les progrès chaque jour croissans de la ligue, tenu en échec par l’attitude équivoque des chefs du parti politique, le roi de France devait faire les plus grands efforts pour éviter la guerre. En admettant en effet que cette guerre fût heureuse, elle ne pouvait profiter à son autorité abaissée, car l’enivrement du parti catholique était un péril pour le monarque, qui avait perdu sa confiance ; et si l’on supposait des revers, ceux-ci devenaient une arme plus dangereuse encore aux mains de ses implacables ennemis. Pendant cette période où il voyait se préparer de loin sa propre déchéance, Henri III fit donc la paix aussi vite et aussi souvent qu’il le put ; mais lors même que les conditions de la paix avaient été solennellement proclamées, on en aurait vainement cherché la trace dans le pays. Les provinces soumises aux seigneurs mécontens, particulièrement le Languedoc, sous Danville, celles qui formaient soit l’apanage de la maison de Condé, soit la souveraineté particulière du prince de Navarre, restaient étrangères aux stipulations proclamées par les édits pour le reste de la monarchie française. Tantôt les cours de justice ajournaient l’enregistrement des édits, tantôt les commandans particuliers des villes refusaient obstinément de s’en dessaisir, de telle sorte que, de la Garonne aux Pyrénées, il n’y avait pas moins d’expéditions militaires à entreprendre et de places à forcer pour parvenir à l’exécution des traités que pour conquérir ces traités mêmes. Les luttes de seigneur à seigneur, les surprises de places, soulèvemens de villes, maraudes, pillages et assassinats entretenaient une anarchie permanente, et rendaient la paix aussi funeste que la guerre même. Tel était plus spécialement le triste état de la Guyenne, lorsque le roi de Navarre vint reprendre possession de son gouvernement. Les forces des deux religions s’y balançaient, les places de guerre étaient tenues par des commandans appartenant à des partis opposés, la guerre de partisans était devenue une industrie, et la force la seule règle des transactions.

Le roi de Navarre ne recula pas devant tant d’obstacles, augmentés souvent par le mauvais vouloir des agens de la cour. Il entama une guerre héroïque contre le brigandage, et osa parler de justice et de traités à des hommes qui ne croyaient qu’à la force et ne prenaient conseil que de leurs passions. C’est en lisant sa volumineuse correspondance qu’on peut comprendre tout ce qu’il en coûta d’efforts à ce prince pour conquérir les terres dont il avait le gouvernement,