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abusez et empeschez, par les artifices accoutumez, à prévoir l’horrible orage qui déjà nous menace, et le prévenir, comme il est aisé, si nous voulons y apporter une sincère volonté et droite intention. Il est besoin que vous tous, messieurs, tant de la noblesse que du clergé, vous accordiez unanimement à faire obéir sa majesté, à suivre et exécuter cette sienne volonté et déclaration. Et puisque la conservation, le repos et le salut du peuple est la plus juste et équitable de toutes les lois approuvées de Dieu et des hommes, il faut s’employer tous à un si utile et nécessaire effect, empescher tous autres effects contraires au repos commun, et s’opposer à tous qui tascheront de le rompre, en renouvelant les défiances au milieu de nous, sans se laisser désormais circonvenir du prétexte et vérité de religion, du service du roy et bien public, dont ils ont trop souvent accoutumé de se couvrir faussement… Prenons donc cette bonne et nécessaire résolution, de pourvoir à notre conservation générale contre les prastiques et artifices des ennemys de notre repos, et je proteste devant Dieu, qui est notre juge, que sous l’autorité du roy, mon seigneur, je vous maintiendrai tous en ma protection ; je feray rendre esgalement justice à un chascun, tant de l’une que de l’autre religion, et avec pareil traictement ; je vous tiendray tous chers comme ma propre vie, courray sus avec vous à tous ceux qui entreprendront de troubler nostre concorde publique. En quoy je n’espargnerai ma vie, ne tous les moyens que Dieu m’a donnez[1]. »

Le roi de Navarre ne dérogea jamais aux engagemens pris dans cette lettre, et solennellement renouvelés dans une déclaration adressée aux états du royaume[2]. Jamais les actes ne répondirent plus complètement aux paroles dans les situations les plus diverses de la vie. Lorsque, bloqué par l’émeute dans les murs de la ville d’Eause, il échappait à la mort par un miracle d’audace ; lorsque, couvert de sang, il forçait Cahors après un assaut furieux, le prince était aussi maître de lui-même, aussi fidèle à sa politique d’apaisement, qu’au jour où il négociait avec Catherine, au milieu des plaisirs de sa petite cour de Nérac, entre d’Ayelle et Fosseuse.

Le mérite éminent de Henri IV est de s’être toujours possédé dans l’entraînement des sens comme dans celui de la guerre ; il unit la force du champ de bataille au sang-froid du cabinet, les qualités brillantes

  1. Lettre à la noblesse, villes et communautés du gouvernement de Guyenne ; 21 décembre 1576.
  2. A MM. les gens assemblés pour les états de Blois ; 1er février 1577.