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LIMOËLAN.

grande distance ; il hésita d’abord à le suivre, d’autant mieux que ce corridor à son extrémité se divisait en plusieurs routes, et qu’il avait à craindre dans ces ténèbres de s’égarer, situation tout au moins fort désagréable. Enfin, la curiosité l’emporta ; il remarqua la place de l’escalier, les divisions du carrefour, et s’enfonça au hasard dans l’un des passages, se promettant de s’en tenir là, marchant vite pour en finir, et tâtant les murs de la main ; mais il crut bientôt que ses yeux, fatigués des ténèbres, étaient le jouet de quelque illusion en voyant papilloter un point lumineux dans l’éloignement. Il cacha derrière lui sa lanterne, dont le reflet pouvait s’accrocher à quelque mica des murailles, et n’en vit pas moins nettement une lueur rougeâtre comme la clarté d’un quinquet ; il fut d’abord tenté de rebrousser chemin dans la crainte d’être rencontré fort mal à propos par quelques paysans de Lagrange occupés en cet endroit ; mais il cédait à une impulsion irrésistible, et s’approchait sans faire aucun bruit sur le sol humide de ces cavernes. Ses suppositions changèrent en avançant, car assurément il n’était pas ordinaire de trouver des êtres humains à cette heure en des ruines séculaires protégées par des traditions effrayantes. Pour la première fois, il songea qu’il n’était pas tout-à-fait sans armes, et se trouva bien aise d’avoir gardé son sabre, qu’il avait maudit cent fois dans cette promenade ténébreuse. En approchant, il se trouva devant une ouverture assez étroite pratiquée dans le mur à coups de pioche dont la trace était encore fraîche. La lueur qu’il avait vue partait d’une lampe placée au-delà de cette brèche comme pour signaler ce passage, et cette lampe, de la forme de celles que les paysans accrochent sous le manteau de la cheminée, persuada au capitaine que ces caveaux n’étaient point aussi abandonnés qu’on le croyait. Il passa la tête dans cette ouverture et ne vit au-delà que ténèbres. Délibérant alors sur ce qu’il allait faire, il entendit comme un murmure de voix humaines ; il se rapprocha vite de l’ouverture : il ne se trompait point. Il pose sa lanterne derrière lui, et se hisse résolument par l’ouverture de l’autre côté du mur avant que les personnages qu’il entendait eussent donné à supposer qu’ils étaient plus proches. Son premier mouvement fut ensuite de se laisser tomber sur les mains, autant pour se dissimuler, en cas de rencontre, que pour mieux voir et mieux écouter ; il entendit alors plus distinctement comme les propos interrompus d’une conversation qui commence entre personnes nombreuses.

Sous le coup de cette surprise, il s’avança le long du mur, dans la même attitude, c’est-à-dire sur les pieds et sur les mains, et ne s’arrêta