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sorte d’honneur qu’on lui rend a beau n’être qu’abstrait et nominal, pourquoi lui est-il rendu ? Pourquoi l’a-t-on laissé avec tant de complaisance régner seul dans toutes les parties supérieures de l’édifice ? Pourquoi, lorsque tous les membres de cette architecture semblent vouloir se développer selon les formes nouvelles, sont-ils contraints à suivre ou plutôt à simuler les anciennes formes, et tandis qu’à Senlis on s’abandonne sans résistance à la pente du siècle, pourquoi faire à Noyon de l’archaïsme à plaisir ?

Répondre que l’époque de transition nous fournit des exemples fréquens de monumens simultanément conçus dans un esprit purement novateur et de monumens empreints d’un caractère archaïque, est ne rien répondre, c’est résoudre la question par la question.

Ne voir dans les œuvres si étrangement diverses d’une même époque que les jeux d’un hasard aveugle, insouciant, inexplicable, c’est une façon trop commode de trancher la difficulté.

Sans doute, il y a des faits dont il serait aussi puéril qu’inutile de rechercher les causes ; mais ces grandes créations de la foi et de la patience de nos pères, ces monumens pleins de tant d’énigmes, ne méritent pas un tel dédain. Malgré nous, Dons voulons percer le mystère de leur origine, et pénétrer jusqu’à la cause de leurs différences et de leurs analogies.

Nous voilà donc conduits en dehors du sol un peu aride de la pure chronologie, sol sur lequel, jusqu’ici, nous nous sommes renfermés. C’est vers le problème historique qu’il faut maintenant tourner nos regards ; ce sont les générations qui virent élever ces monumens, c’est la société du XIIe siècle, c’est son histoire qu’il faut interroger ; en un mot, il ne suffit plus d’exposer, il faut expliquer l’époque de transition.

Nous avons déjà fait nos réserves, ce ne sont que des aperçus que nous allons hasarder. Loin de nous l’espoir d’atteindre le but, nous ne voulons qu’indiquer une voie qui nous semble pouvoir y conduire.


IX

La révolution architecturale dont le XIIe siècle est témoin ne provient-elle que d’un de ces changemens de goût matériel, d’un de ces besoins de nouveauté que les hommes éprouvent nécessairement à certains intervalles ? L’ogive est-elle née seulement parce qu’il y avait trop long-temps que le plein cintre durait ? N’y a-t-il là qu’une affaire de mode ? Cette explication, dont quelques-uns se contentent, n’en est réellement pas une. La mode elle-même ne doit-elle pas avoir sa